BARA SADY, DIRECTEUR DU PORT AUTONOME DE DAKAR : « Nous sommes en voie d’être un port de référence mondiale »



La place d’un port ne se mesure pas seulement par son tonnage, mais « surtout par sa compétitivité », soutient Bara Sady. Dans cet entretien, le directeur du Port autonome de Dakar (Pad) révèle ses projets et investissements, revient sur sa récente mission à Kayes (Mali) et dit son souhait : faire du Pad « une plate-forme logistique de référence mondiale ».

Le Port autonome de Dakar (Pad) a effectué une mission à Kayes, du 3 au 5 juin 2010. Pouvez-vous revenir sur les objectifs de ce séjour en territoire malien ?

L’objectif principal de cette mission était de renforcer les liens de coopération entre le Sénégal et le Mali, plus particulièrement les liens entre le Port autonome de Dakar et la région naturelle de Kayes qui est notre porte d’entrée au Mali. Il s’agissait également, pour nous, de faire le trajet Dakar-Kayes pour apprécier les difficultés que peuvent rencontrer les chargeurs et transporteurs afin de voir quelles solutions mettre en œuvre. C’est donc, pour nous, l’occasion de connaitre davantage notre clientèle, les problèmes auxquels elle est confrontée. Je dois aussi rappeler que notre mission entre dans le cadre du Festival international des rails de Kayes (Firka). Le comité d’organisation du festival nous a invités pour la deuxième fois consécutive. Le port est aujourd’hui le partenaire du festival.

Quels enseignements en tirez-vous ?

Nous avons beaucoup écouté et appris. Nos échanges avec les opérateurs maliens ont été fructueux. Le festival nous a permis de découvrir une autre facette de la culture malienne. Sur ce point, je dois dire que Kayes rappelle, à bien des égards, certaines villes du Sénégal. Ce festival nous a surtout permis de connaître les besoins de notre clientèle. Ce que nous avons vu sur la route, la conférence et les multiples rencontres que nous avons eues avec nos partenaires nous ont permis de connaître davantage les problèmes auxquels ils sont confrontés. Puisqu’on dit qu’un problème connu est à moitié résolu, je peux dire que je suis très satisfait de la mission.

Au cours de la mission, vous avez échangé et beaucoup écouté vos partenaires. Qu’avez-vous concrètement retenu ?

Je retiens que le Port autonome de Dakar a fait beaucoup d’efforts. Nous devons accentuer ces efforts. Maliens et Sénégalais sont conscients des efforts permanents qui sont faits au Port de Dakar pour améliorer le fonctionnement du service. C’est à l’unanimité qu’ils ont salué les investissements consentis.

Cette mission nous a aussi permis de savoir qu’il y a des difficultés qui méritent d’être résolues. Nous allons les attaquer une fois à Dakar. Je retiens aussi que la représentation commerciale que nous avons ouverte, il y a deux ans, commence à obtenir des résultats satisfaisants. Tout cela doit être renforcé conformément au souhait des opérateurs.

Compétitivité, performance et qualité reviennent régulièrement dans vos discours. Que recouvrent ces concepts pour le Dg du Port que vous êtes ?

Au Port de Dakar, nous avons fort heureusement compris qu’un port ne peut être compétitif que s’il se mesure aux standards mondiaux. Cela depuis que nous avons lancé, en 2002, la stratégie vision Port 2010. Nous voulons faire du Port de Dakar une plate-forme logistique de référence. Les termes compétitivité et performance recoupent cette dynamique. Notre ambition est de faire du Port de Dakar le meilleur en Afrique et parmi les meilleurs au monde. C’est dans ce cadre que nous avons certifié le processus de pilotage Iso 28000. Cette certification a été étendue à la gestion des terre-pleins. De même, c’est dans ce cadre que l’opérateur du terminal à conteneurs Dp World a été certifié Isf et Iso 28000 sur la chaîne de transport. Sur le plan des performances, nous avons, grâce à l’arrivée de cet opérateur, amélioré les rendements du terminal à conteneurs pour faire des cadences de manutention d’environ 45 à 50 mouvements par heure. Nous avons également réduit au maximum le temps de service comme le temps d’attente.

Tout cela a nécessité d’énormes sommes d’argent. Pouvez-vous revenir sur ces lourds investissements consentis ?

Ce serait un peu difficile de revenir en détails sur chacun de ces projets d’investissement. Je rappellerai que dans le cadre de la vision stratégique Port 2010, nous avons élaboré un premier programme d’investissement de 55 milliards de FCfa grâce au soutien du président de la République qui l’a conçu et financé. Les infrastructures afférentes à ce programme sont en train d’être exploitées. Nous avons également un autre programme de 10 milliards de FCfa qui va permettre l’approfondissement du chenal et la réhabilitation du wharf pétrolier qui commence à prendre de l’âge. Ce sont là quelques programmes d’investissements que nous sommes en train d’exécuter et qui, certainement, vont sensiblement améliorer les performances du Port de Dakar.

Les tracasseries sur l’axe Dakar-Bamako sont souvent évoquées au cours de vos rencontres avec les opérateurs maliens. Quelles mesures pour endiguer cette préoccupation ?

C’est un problème qui commence à être gênant. Il faut le reconnaître. Il est réel et il faut absolument le combattre. Tout le monde sait, aujourd’hui, que des pratiques anormales, surtout les tracasseries, existent sur l’axe Dakar-Bamako. Justement, si nous avons voyagé par la route et non par avion, c’est pour mieux appréhender le phénomène. C’était important pour le directeur du Port de Dakar que je suis de savoir comment les camions quittent Dakar et arrivent à Kayes, au Mali.

Dans quelles conditions les transporteurs font le voyage et les désagréments qu’ils subissent tout au long du trajet. Par extraordinaire - et vous l’avez constaté- on n’a pas enregistré beaucoup d’arrêts sur l’axe. Toujours est-il que le phénomène existe. Il y a des idées qui sont agitées ici et là et je pense qu’avec l’appui des autorités, nous trouverons très bientôt une solution.

Les contrôles sont très rigoureux au poste de sortie de Diboli à la frontière sénégalo-malienne. N’est-ce pas une autre situation qui ne renforce pas la compétitivité du corridor Dakar-Bamako ?

J’ai été moi-même extrêmement surpris. Mais je pense qu’il faut relativiser. Tous les camions stationnés au poste de sortie de Diboli ne l’étaient pas pour les mêmes raisons.

Certains attendaient, certes, des documents administratifs, mais d’autres étaient stationnés du fait que les camions n’étaient pas autorisés à circuler pendant le jour au Mali. Donc, c’est moins pour des formalités administratives que les camions sont retardés que pour la réglementation en vigueur au Mali.

Avec les gros investissements effectués au Port, le rail n’est-il pas menacé de disparition ?

Absolument pas. Sur ce point, je pense qu’il y a une petite confusion. Nous n’avons pas l’ambition de tuer le rail. Depuis vingt ans que je suis au Port, celui-ci n’a enlevé aucun rail. Il y a que certaines emprises sont de temps en temps occupées par des marchandises. Mais si cela est, il vaut mieux que le directeur de l’exploitation de Transrail et celui du Port de Dakar se parlent et dégagent les emprises occupées. Je précise qu’au terminal à conteneurs, aucun rail n’a également été enlevé. Maintenant, sur le terminal actif, c’est-à-dire là où accostent les bateaux, il n’a jamais eu de rails et il ne peut pas y avoir de rails. Les agents de Transrail déplorent l’existence d’un mur entre les rails et la plate-forme logistique. Ce mur existe parce que l’exploitation de la plate-forme de distribution n’a pas encore démarré. Le jour où cette exploitation démarrera, tous les opérateurs qui occuperont les hangars obtiendront des ouvertures pour faciliter leur accès au rail. Donc, je les rassure. Nous sommes conscients du rôle encore important du rail dans le trafic des marchandises. Mais pour des raisons de sécurité, on ne peut pas tolérer dix mille portails au niveau de la plate-forme.

En juillet, il est prévu l’organisation d’une journée porte ouverte du Mali à Dakar. Pourquoi une telle initiative ?

Je rappelle que cette journée portes ouvertes est une initiative du ministre malien des Infrastructures. Elle sera organisée dans l’ensemble des corridors. Autrement dit, en plus de Dakar, la même journée sera organisée à Abidjan, à Lomé, à Conakry et à Cotonou. Les Maliens ont fait honneur au Sénégal en commençant cette série de journées à Dakar

. L’objectif est de voir avec les autorités portuaires, transitaires et manutentionnaires comment améliorer les conditions d’exploitation des outils qui ont été mis à notre disposition et comment faciliter davantage le travail aux opérateurs maliens. C’est dans ce cadre que nous sommes partenaires de cette journée dont le maître d’œuvre reste les entrepôts maliens au Sénégal (Ensema). Cette journée nous permettra aussi de s’écouter, de se comprendre davantage afin de trouver des solutions communes aux problèmes des opérateurs maliens.

Quelle place occupe le Port de Dakar dans la sous-région ?

Je suis confus quand on me pose cette question. Pourquoi confus ? Parce que les gens pensent qu’un port se mesure toujours par le tonnage. Ce qui n’est pas le cas. La place d’un port se mesure surtout par sa compétitivité. Compétitivité au niveau des opérations et des résultats financiers, mais pas sur les volumes des marchandises. Il y a des ports qui sont moins bons en termes d’opérations, mais qui brassent des milliers de tonnes.

Si je retiens ce critère de compétitivité au niveau des opérations, je peux dire que nous sommes sur la bonne voie pour être un port de rang mondial. Maintenant, on ne peut pas prétendre faire des trafics de 50 à 100 millions de tonnes là où notre port ne compte que sur du transbordement. Il faut que l’économie nationale puisse générer des volumes à travers les productions agricoles.

Des pays comme la Côte d’Ivoire en disposent. Mais, tout cela n’est pas gênant. Je serais gêné si on me dit que vous êtes mauvais parce que vous faites 10 mouvements de conteneurs par heure alors que la norme standard mondiale est de 30 mouvements/heure. Je serais également gêné quand on me dit que vos navires attendent trop longtemps à Gorée pour entrer, alors que dans d’autres ports ils viennent et entrent directement. Je serais gêné si quelqu’un me dit que j’ai fait trois jours pour chercher mon conteneur. C’est cela qui est gênant. Tout le reste fait appel à des questions qui ne sont pas liées au travail intrinsèque des opérateurs.

Propos recueillis par Abdoulaye DIALLO
Le Soleil

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