Cuvette de Ngalenka dans le Delta du fleuve : 450 hectares aménagés pour 1.800 riziculteurs



Dans la cuvette de Ngalenka, jadis espace sauvage et ingrate, des champs rizicoles à perte de vue sont en train de pousser grâce aux aménagements hydro-agricoles réalisés par le Mca. 450ha ont été aménagés au bénéfice de 1.800 riziculteurs répartis dans 43 Groupements d’intérêt économique (Gie) et 10 Groupements de promotion féminine (Gpf).

La Cuvette de Ngalenka est le nom du cours d’eau qui tire sa source de la rivière Doué, elle-même bras du fleuve Sénégal. Jusqu’à une date récente, peu de gens pouvaient identifier sur une carte ce coin niché au village de Ndiofoundé Dialy, dans la commune de Ndiayenne Pendao, département de Podor, région de Saint-Louis. Mais, depuis que le Millénium Challenge Account (Mca-Sénégal) y a réalisé des aménagements hydro-agricoles structurants sur 450ha, la cuvette de Ngalenka est relativement sortie de l’anonymat. Sur cette prairie jadis déserte et abandonnée, poussent aujourd’hui des champs de riz à perte de vue ceinturés par des plans d’eau bien alimentés par une station de pompage électrique haut débit à travers un canal principal.

D’un coût de 3 milliards de FCfa, la cuvette de Ngalenka est l’une des composantes du Projet d’irrigation et de gestion des ressources en eau dans la vallée du fleuve Sénégal que le Mca a mis en œuvre pour un montant global de 95 milliards de FCfa. Lancés en novembre 2012 par l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye, les aménagements qui disposent de tous les équipements nécessaires ont été inaugurés en octobre 2014 par le chef de l’Etat, Macky Sall. « Avec l’intervention du Mca, les surfaces cultivables sont passées d’un aménagement sommaire sur 70ha à un aménagement maîtrisé sur 450ha avec une augmentation des rendements. Les axes hydrauliques ont été recalibrés, le dispositif du champ hydraulique amélioré. On a rendu l’eau disponible douze mois sur douze et les conditions de drainage meilleures », souligne Ibrahima Niane, agent du Saed qui avait en charge l’Unité de gestion de cette cuvette.

Amadou ba dentalCe dimanche 15 mai, un temps étonnamment clément enveloppe les lieux en cette période pré-hivernage où, d’habitude, le thermomètre affichait entre 40 et 45 degrés. Amadou Maham Bâ, président de l’Union « Dental Mca » et son acolyte Saliou Sow, chargé de l’aménagement, nous promènent à travers les casiers rizicoles. En cette période de l’année où les semis entrent dans leur phase de maturation, la cuvette est presque vide. Seuls quelques ouvriers agricoles font la ronde pour éloigner les oiseaux granivores. « Si vous revenez ici durant la période de récolte, la cuvette est bondée de monde comme un marché de Dakar », indique le sieur Bâ dans son grand boubou trois pièces.

Le périmètre est divisé en cinq blocs qui font entre 70 et 12 ha chacun. Aussi loin que porte le regard, c’est le même décor : un impressionnant tapis de verdure qui tire de plus en plus sur le jaune. Cette deuxième campagne de contre-saison, depuis la mise en service de la cuvette, s’annonce sous de bons auspices. Mais il faudra faire vite avant que la pluie ne surprenne les tiges de riz. « Le riz est entré dans sa phase de maturité. Dans quelques semaines, nous allons engager la récolte. Le mieux serait de commencer avant le début de l’hivernage afin d’en tirer le meilleur rendement», explique-t-il. Cela permettrait par ailleurs d’entamer les préparatifs de la deuxième campagne hivernale en toute sérénité.

Exploitations familiales
Ici, le type d’aménagement mis en place repose sur des exploitations familiales afin de répondre prioritairement aux besoins des populations locales. En effet, au-delà de contribuer à augmenter la production rizicole au Sénégal, la cuvette de Ngalenka a pour objectif premier de permettre aux agriculteurs d'offrir de meilleures conditions de vie à leurs familles, comme l’avait souligné Sandra Clark, chargée d'affaires de l'Ambassade des Etats-Unis au Sénégal, lors de l’inauguration de ces aménagements.

Pour en faire profiter au maximum de personnes, les modalités d’attribution des terres ont été déterminées dans le cadre d’un processus d’échanges avec les populations des 23 villages qui se trouvent dans le rayon de la cuvette. Le consensus avec tous les acteurs pour l’affectation des terres a surtout permis la mise à disposition d’au moins 10% de la superficie aménagée aux groupements féminins grâce à un programme foncier inclusif. Aujourd’hui, près de 1.800 riziculteurs répartis dans 43 Groupements d’intérêt économique (Gie) et 10 Groupements de promotion féminine (Gpf) se partagent les 450ha aménagés. « Chaque groupement dispose entre trois et quatre ha et chaque membre est attributaire d’une parcelle de 0,5ha », explique Saliou Sow.

Du coup, les rendements qui étaient très faibles en amont, moins de 4 tonnes, ont doublé voire triplé atteignant entre 7 et 9 tonnes à l’hectare. « Au total, on se retrouve donc avec une production de 2.000 tonnes de riz paddy, c’est très louable. Cela impacte énormément de monde surtout les femmes », insiste Ibrahima Niane. Cette performance n’aurait jamais été possible sans l’intervention du Mca et l’accompagnement de l’Etat à travers la mise à disposition de machines de laboure, admet Saliou Sow. Toutefois, ces riziculteurs attendent encore une moissonneuse-batteuse. « L’Etat nous a donné les moyens, mais nous voulons cultiver davantage et accélérer la cadence. Pour ce faire, il nous faut toutes les machines nécessaires dans la chaîne de production, notamment une moissonneuse-batteuse. Cette machine nous permettrait de récolter très vite avant le début de l’hivernage », confie Saliou. La mise en valeur de la cuvette a permis de créer des centaines d’emplois. « Pour chaque hectare, on recrute trois à quatre ouvriers agricoles pour la récolte », dit-il. Pour la commercialisation, le riz est écoulé soit dans les marchés hebdomadaires soit cédé à certaines entreprises privées de la zone.

Un potentiel énorme
NgalenkaPour ces riziculteurs, témoins de la transformation radicale de la cuvette de Ngalenka, l’autosuffisance en riz à l’horizon 2017 est loin d’être une chimère. « C’est un objectif à portée de main », déclare Amadou Maham Bâ. « L’Etat est en train d’aménager les terres, il y a de l’eau et assez de terre, les gens s’intéressent de plus en plus au riz, des machines sont en train d’être distribuées, il n’y a aucune raison pour que ce vœu ne soit pas exaucé », estime-t-il. En tout cas, informe le technicien de la Saed, « tout le monde, à tous les niveaux, travaille à l’atteinte de cet objectif ». Le fait que l’importation de riz a fortement baissée impactant ainsi positivement sur la balance des paiements est déjà quelque chose de gagné, selon lui. « Si la dynamique enclenchée se poursuit, il est fort à parier que cet objectif sera atteint », soutient-il. Dans ce sens, le département de Podor aura un rôle important à jouer car, d’après Ibrahima Niane, cette localité est actuellement la zone au Sénégal où la potentialité rizicole reste énorme. « Podor dispose de pas moins de 140.000 ha de terres cultivables. A lui seul, il peut porter tout le circuit rizicole. Si on veut miser sur de grandes superficies, c’est à Podor qu’il faut aller. Parce que dans le Delta, le potentiel foncier est en train de diminuer car la plupart des terres ont été déjà attribuées », confie-t-il.

Cela ne veut pas dire qu’il faut délaisser le Delta, précise le technicien de la Saed. « Il reste encore quelques poches qu’on peut exploiter, mais ce qu’il faut, c’est surtout réhabiliter les sols dégradés », affirme-t-il. Dégradées ou à l’état de friche, les terres de la vallée portent en tout cas tout l’espoir d’un pays qui aspire à l’autosuffisance en riz. Et la cuvette de Ngalenka, jadis abandonnée et aujourd’hui fertile, augure des lendemains qui peuvent chanter.

De nos envoyés spéciaux El Hadj Ibrahima THIAM, Oumar BA (textes)
et Mbacké BA (Photos)


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