"Il manque au Sénégal des structures d’accompagnement des porteurs de projets" (Saliou Dramé, président de l’association ASDEV)



"Il manque au Sénégal des structures d’accompagnement des porteurs de projets" (Saliou Dramé, président de l’association ASDEV)
La réussite des projets de co-développement passe aussi par un environnement administratif propice à la création d’entreprise dans les pays d’origine des migrants. Au Sénégal notamment, où de nombreuses actions de terrain sont menées, les créateurs d’entreprise se trouvent encore confrontés à des difficultés pour mener à bien leur projet faute de structures d’accompagnement. C’est le constat de Saliou Dramé, président de l’association pour le développement (ASDEV), interrogé par Co-Developpement.org. Il dresse le bilan de la gestion de sa structure après un an d’existence, et pointe les difficultés que rencontrent les chefs d’entreprises au Sénégal pour pérenniser leur structure.

Vous êtes le président de l’ASDEV, pouvez-vous détailler les activités que vous menez en ce moment ?

Créée en mai 2008 à Nancy et à Louga, ASDEV vient de fêter son premier anniversaire. Depuis, l'association a pu mettre en place sa première plateforme de recyclage et d’insertion, lancée début septembre à Nancy. Celle-ci, à travers l’activité de récupération d’objet usagés, crée une chaîne de valeur d’utilité sociale allant de l’insertion de publics en précarité socioprofessionnelle en France, à la formation de jeunes sans emploi ni qualification au Sénégal et, bientôt, au financement de microprojets pour les étudiants. L’activité de recyclage d’objets usagés a permis la création de quatre emplois en France, dont un poste de cadre en CDI, et de trois postes en contrat aidé bénéficiant d’un plan de formation et d’accompagnement. ASEDV a pu envoyer en janvier 2009 au centre socioculturel de Hann Plage un premier container 20’’ composé de mobilier, de matériel électroménager et informatique. Un deuxième container de 40’’ a été envoyé fin mai, un troisième sera chargé et envoyé le 23 juin. Trois jeunes, encadrés par les bénévoles du centre et les partenaires de ASDEV Sénégal, s’occuperont du reconditionnement du matériel envoyé, tout en bénéficiant d’un programme de formation et d’accompagnement vers l’insertion. En outre, ASDEV Sénégal dispose de compétences et d’une base de données de projets permettant d'interagir avec nos différents partenaires, et ainsi de se poser comme force de propositions. Certains membres de l'association ont aussi initié la création d’une société d’investissement en capital (Sidel-Invest SAS, au capital variable de 128 000 euros), dont la vocation est d’accompagner et de financer des projets.

Dans quelle mesure les autorités sénégalaises vous appuient-elles dans vos démarches et activités ?

Nous avons apprécié nos rencontres et échanges avec Ibrahima Diouf, directeur des PME au ministère des Mines, de l’Industrie et des PME. Ensemble, nous sommes en train de valider un protocole d’accord qui permettra un accompagnement soutenu des autorités. Il faut souligner que notre partenaire au Sénégal court toujours après une reconnaissance juridique, mais nous avons réussi à mettre ensemble autour d’une table les principaux acteurs français de l’économie solidaire en Lorraine. Des structures associatives, étatiques et des collectivités locales telles que Lorraine Active, la DDTEFP, le conseil régional de Lorraine, le conseil général de Meurthe-et-Moselle, l’UREIL, la mairie de Vandoeuvre, ont manifesté leur intérêt pour notre projet, et le soutiennent. Nous avons pu financer et recruter notre premier poste de cadre avec l’accompagnement de la région Lorraine, pourvoir trois emplois en contrats aidés avec l’accompagnement du pôle emploi (ex ANPE) et de la DDTEFP, disposer d’un local administratif gratuit avec l’appui de la mairie de Vandoeuvre. Dès lors, il urge pour l'État du Sénégal non seulement d’accélérer la reconnaissance juridique de ASDEV Sénégal, mais de s’en servir comme un levier d’insertion et d’aide au retour actif des migrants sénégalais.

Est-il facile de créer des entreprises au Sénégal ?

Nous pouvons, avec le guichet unique de l’APIX et la diligence des cabinets de notaire, répondre à l’affirmatif sur le plan administratif. Mais une telle réponse, aussi vraie soit-elle, serait saugrenue. Un pays, pour être attractif, doit entre autres favoriser la création d’activités. Or, au Sénégal, il manque des structures d’encadrement, d’accompagnement et de financement des porteurs de projets. Le FNPJ, le FPE, l’ADPME, sont de nobles initiatives, mais pour la plupart dire qu’une gestion politicienne, partisane et parfois corrompue, les a dévoyées, dépouillées de leur substance et transformées en outils sans grand intérêt pour bon nombre d’entrepreneurs est un secret de polichinelle. Quand l’accès facile à l’information économique ou aux bons interlocuteurs devient une denrée rare, l’entrepreneur non averti a toutes les chances de courir vers sa perte. Au Sénégal, combien d’entrepreneurs en quête d’accompagnement financier, d’information précise ou d’interlocuteurs fiables et pertinents finissent par tout abandonner ! Que de projets générateurs d’emplois et de richesses finissent par s’envoler à forces d’être pris dans des tourbillons de confusion ! Le Sénégal gagnerait à assainir davantage l’environnement des affaires.

Les territoires qui gagnent sont ceux qui parviennent à capter les flux des richesses, à fournir aux entreprises les ressources sans lesquelles il n’y a pas de développement solide et durable. Il convient, pour capitaliser les ressources nécessaires au développement des entreprises, de faire émerger aux niveaux national et local des réseaux de coopération, et donc de proximité. La logique de travail en réseau sur un territoire témoigne que les différents décideurs ont conscience que la logique territoriale dépasse la logique de gestion. Cependant, l’éparpillement de leurs actions ne favorise pas des interventions rapides. Et, trop souvent, ils dépassent le champ de leurs compétences ou de leur métier. On ne sait pas toujours qui fait quoi et à quel échelon correspond telle compétence. L’entrepreneur s’y perd. Nombreuses sont les directions nationales qui, prises individuellement, abattent un travail gigantesque mais restent sans impact réel dans le développement du pays parce que le projets restent dans les tiroirs. Réussir la gouvernance par la mise en place d'un portail d'entrée pourrait s'avérer l'aboutissement heureux des efforts de tous. L’APIX s’y emploie, mais ce n’est qu’une agence. Ce travail de mise en réseau des acteurs économiques doit aussi être initié et développé au niveau local.

En dehors de l’accompagnement assuré par l’APIX, existe-t-il d’autres agences qui suivent le développement des nouvelles entreprises ?

Certainement, l’ADPME est un exemple. Mais la vraie question tient à l’impact de ces agences dans la création et la consolidation des entreprises. Il ne serait par exemple pas incongru que les agences régionales de développement, les collectivités locales, les chambres de commerce, œuvrent en faveur de l’émergence d’incubateurs d’entreprises ou de plateforme d’initiatives et d’accompagnement des entrepreneurs. On pourrait aussi imaginer un accompagnement et un financement par les grandes entreprises, qui tireraient parti des projets en termes de promotion de leur image, de détection de nouveaux talents ou d’identification de partenaires techniques ou stratégiques.

Quels sont, à terme, les objectifs d’ASDEV ?

Nous souhaitons devenir une ONG d’aide au développement et de solidarité internationale. Nous voulons nous positionner comme partenaire privilégié du co-développement et de toute action éco-citoyenne, en accompagnant les porteurs de projets.

Propos recueillis par Dissirama Kaliwa

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Commentaires articles

1.Posté par tamsir mbodji le 09/10/2009 17:56
Il faut impliquer l'état et le gouvernement vers un fonds pour cela. et faire la pression et le lobbying partout

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