Wal Fadjri : Votre région est au centre de l’actualité en raison des grossesses précoces à l’école. Avez-vous une explication à ce phénomène ?
Alpha Koïta : Le problème n’est pas nouveau pour nous parce que l’Ong que je dirige travaille sur les questions relatives aux mutilations sexuelles, aux grossesses précoces et à l’éducation des filles. Il y a beaucoup de facteurs qui expliquent ces faits. On peut citer l’analphabétisme des parents et surtout leur état de pauvreté. Les parents ne sont pas en mesure de faire face au quotidien, à plus forte raison de payer à leur fille des habits. C’est lié aux difficiles campagnes arachidières. L’Etat laisse les paysans à la merci des spéculateurs et des industriels. Et cela pose beaucoup de difficultés aux paysans en cette veille de Tabaski et ce lendemain de rentrée des classes. Ce qui fait qu’il faut accentuer la sensibilisation.
Wal Fadjri : L’élément nouveau c’est que des enseignants sont, parfois, les auteurs de ces grossesses.
Alpha Koïta : C’est vrai que les enseignants sont parfois coupables de ces grossesses. Il m’est arrivé de voir deux à trois cas d’enseignants qui ont engrossé leur élève. J’en ai vu dans la communauté rurale que je dirige, en l’occurrence Bagadadji. Finalement, ces enseignants ont fini par épouser ces élèves. Des jeunes habitants dans ces villages sont aussi coupables de ces grossesses. Avec ces collèges de proximité, on note une vie en communauté plus marquée. Il y a aussi des adultes ou des émigrés qui sont à l’origine de la dépravation des jeunes filles.
Wal Fadjri : Un député a estimé lors du vote du budget du ministère de l’Enseignement élémentaire, du Préscolaire et du Moyen que les enseignants coupables de ces grossesses ne sont pas sanctionnés. Faut-il, à votre avis, aller dans cette direction ?
Alpha Koïta : Oui, il faut aller dans cette direction. Des mesures dissuasives s’imposent sinon, c’est la porte ouverte à toutes les dérives. Il faut même élargir la sanction aux élèves fautifs de grossesse de leur camarade. Ce qui arrive, c’est qu’un garçon peut engrosser une camarade du même établissement sans être inquiété. La fille est exclue, l’auteur de la grossesse, lui, continue tranquillement de suivre les cours. C’est une fois arrivé à Bagadadji. Nous trouvons cela injuste.
Wal Fadjri : Le dernier découpage administratif vous a mis au banc des accusés. Ce qui vous a contraint à entreprendre une tournée d’explication. Avez-vous fini par convaincre les déçus du découpage administratif ?
Alpha Koïta : Effectivement, je me suis rendu à Kolda dans la première semaine du mois de novembre. Mais, ce n’était pas seulement dans le cadre de la tournée d’explication comme vous venez de le dire. Mais, depuis que je suis élu député, chaque année avant le vote du budget, je fais une tournée dans le département de Kolda. Cela me permet de recueillir les doléances des populations et de constater moi-même les difficultés qu’elles rencontrent. Parce qu’en tant qu’élu, quand je viens au Parlement, je dois pouvoir défendre les populations qui m’ont élu en me fondant sur les réalités du terrain. Cette année, cette tournée a coïncidé avec le découpage administratif et les incompréhensions qu’il a charriées. Cela été une opportunité pour m’expliquer directement avec les populations mécontentes. Ce nouveau découpage administratif a été piloté par le ministère de l’Intérieur appuyé par celui chargé de la Décentralisation et des Collectivités locales. Ce sont eux qui avaient en charge le dossier. Ils ont demandé à l’administration locale de faire des propositions. C’est après qu’on a appelé certains élus des régions pour les informer.
Wal Fadjri : Vous dites ‘certains’. Ne feriez-vous pas partie des élus consultés ?
Alpha Koïta : Au niveau de la région de Kolda, il n’y a que le ministre d’Etat-maire Bécaye Diop, et le président du Conseil régional de Kolda, Mamadou Lamine Dramé, qui ont été consultés. Ce sont ces deux personnalités qui ont assisté à la rencontre. Ce sont, en définitive, les propositions de l’administration de base qui sont retenues.
Wal Fadjri : Le découpage a-t-il été pertinent dans votre localité ?
Alpha Koïta : Oui ! Dans le département de Kolda, tout le monde s’accorde sur l’érection, par exemple, de Médina Yoro Foulah en département. Le ministère de l’Intérieur s’est, à mon avis, fondé sur des critères très clairs. Il en est ainsi de la cohésion sociale, de la démographie, de l’économie et de l’accessibilité. Voilà les facteurs qui ont présidé au choix de certains villages en communauté rurale ou en commune.
Wal Fadjri : Et dans l’ex-arrondissement de Dabo, qu’est-ce qui justifie l’érection de votre village, Dialambéré, en communauté rurale ?
Alpha Koïta : Comme Dabo, ex-chef-lieu de communauté rurale, a été érigé en commune, quatre possibilités s’offraient à l’autorité pour trouver la nouvelle communauté rurale : Ngoky, Thiéwa Lao, Thiara et Dialambéré. Malheureusement, aucun de ces villages n’avait une position centrale par rapport aux autres. Le choix était donc difficile. A l’arrivée, ce qui a prévalu, c’est le critère démographique et de cohésion sociale. Là, c’est Dialambéré qui l’emporte en raison du rôle qu’il a joué dans le passé et, entre autres, de ses potentialités, de sa démographie estimée à 1 100 habitants contre 300 à 500 pour ses autres concurrents. Malgré tout, les gens ont lié le choix de Dialambéré à ma position de député.
Wal Fadjri : Malgré tout, les populations déçues ont dit qu’elles allaient se détourner du Pds. Etes-vous parvenu à les ramener au bercail ?
Alpha Koïta : Bien sûr que nous nous sommes compris. Parce que si la question a été agitée, c’est que des politiciens ont voulu en tirer profit. Parmi ceux-là, il y a évidemment des gens de l’opposition et quelques-uns du Pds qui cherchent à se positionner. Et en dépit des déclarations du genre : ‘Alpha n’osera plus mettre les pieds dans les zones de déception’, je me suis bien rendu à Thiéwa Lao où j’ai pu réunir les chefs de village, les femmes, les notables, les imams, les jeunes, etc. On s’est parlé un langage de vérité. Au bout du compte, les populations ont fini par comprendre. Elles ont expliqué que leur ‘volonté’ de se détourner du Pds était juste un chantage. D’autant que ces villages sont enclavés, se trouvent le plus souvent dans des zones de forêt classée et sont dépourvus d’infrastructures comme les postes de santé ou les forages.
Wal Fadjri : Les élections locales sont imminentes et votre parti, le Pds, est encore quasiment inerte.
Alpha Koïta : Si vous ne sentez pas le Pds, c’est qu’il en est de même pour les autres partis. La vérité est que notre formation politique demeure la plus forte de toutes celles qui s’activent dans la région où nous contrôlons neuf des treize communautés rurales. Il est clair que si nous allons aux élections, notre suprématie s’imposera. D’autant que déjà, le Pds est majoritaire dans les conseils ruraux. Nous avons opté pour des rencontres de proximité. Le ministre d’Etat-maire Bécaye Diop le fait. Tout comme le député Amadou Ndiaye Lô, le secrétaire général de l’Ujtl, Fabouly Gaye et moi-même sacrifions régulièrement à ce devoir.
Wal Fadjri : Il reste que le Pds s’est effondré aux dernières législatives. C’est le cas à Médina Yoro Foulah. Cela ne vous inquiète-t-il pas ?
Alpha Koïta : Non pas du tout ! Car, les dernières législatives ne sont pas un baromètre fiable pour mesurer les tendances de l’électorat. Nous sortions de la présidentielle et nombre d’électeurs ne voyaient plus d’enjeux au scrutin. Et puis dans le Médina Yoro Foulah, le président du conseil rural était dans l’opposition. Aujourd’hui, il nous a ralliés. Aux explications du recul de l’électorat, il faut, peut-être, ajouter les querelles internes au Pds. Malgré tout, je vous promets que la victoire du Pds sera sans conteste aux prochaines locales.
Propos recueillis par Hamidou SAGNA
Wal Fadjri
Alpha Koïta : Le problème n’est pas nouveau pour nous parce que l’Ong que je dirige travaille sur les questions relatives aux mutilations sexuelles, aux grossesses précoces et à l’éducation des filles. Il y a beaucoup de facteurs qui expliquent ces faits. On peut citer l’analphabétisme des parents et surtout leur état de pauvreté. Les parents ne sont pas en mesure de faire face au quotidien, à plus forte raison de payer à leur fille des habits. C’est lié aux difficiles campagnes arachidières. L’Etat laisse les paysans à la merci des spéculateurs et des industriels. Et cela pose beaucoup de difficultés aux paysans en cette veille de Tabaski et ce lendemain de rentrée des classes. Ce qui fait qu’il faut accentuer la sensibilisation.
Wal Fadjri : L’élément nouveau c’est que des enseignants sont, parfois, les auteurs de ces grossesses.
Alpha Koïta : C’est vrai que les enseignants sont parfois coupables de ces grossesses. Il m’est arrivé de voir deux à trois cas d’enseignants qui ont engrossé leur élève. J’en ai vu dans la communauté rurale que je dirige, en l’occurrence Bagadadji. Finalement, ces enseignants ont fini par épouser ces élèves. Des jeunes habitants dans ces villages sont aussi coupables de ces grossesses. Avec ces collèges de proximité, on note une vie en communauté plus marquée. Il y a aussi des adultes ou des émigrés qui sont à l’origine de la dépravation des jeunes filles.
Wal Fadjri : Un député a estimé lors du vote du budget du ministère de l’Enseignement élémentaire, du Préscolaire et du Moyen que les enseignants coupables de ces grossesses ne sont pas sanctionnés. Faut-il, à votre avis, aller dans cette direction ?
Alpha Koïta : Oui, il faut aller dans cette direction. Des mesures dissuasives s’imposent sinon, c’est la porte ouverte à toutes les dérives. Il faut même élargir la sanction aux élèves fautifs de grossesse de leur camarade. Ce qui arrive, c’est qu’un garçon peut engrosser une camarade du même établissement sans être inquiété. La fille est exclue, l’auteur de la grossesse, lui, continue tranquillement de suivre les cours. C’est une fois arrivé à Bagadadji. Nous trouvons cela injuste.
Wal Fadjri : Le dernier découpage administratif vous a mis au banc des accusés. Ce qui vous a contraint à entreprendre une tournée d’explication. Avez-vous fini par convaincre les déçus du découpage administratif ?
Alpha Koïta : Effectivement, je me suis rendu à Kolda dans la première semaine du mois de novembre. Mais, ce n’était pas seulement dans le cadre de la tournée d’explication comme vous venez de le dire. Mais, depuis que je suis élu député, chaque année avant le vote du budget, je fais une tournée dans le département de Kolda. Cela me permet de recueillir les doléances des populations et de constater moi-même les difficultés qu’elles rencontrent. Parce qu’en tant qu’élu, quand je viens au Parlement, je dois pouvoir défendre les populations qui m’ont élu en me fondant sur les réalités du terrain. Cette année, cette tournée a coïncidé avec le découpage administratif et les incompréhensions qu’il a charriées. Cela été une opportunité pour m’expliquer directement avec les populations mécontentes. Ce nouveau découpage administratif a été piloté par le ministère de l’Intérieur appuyé par celui chargé de la Décentralisation et des Collectivités locales. Ce sont eux qui avaient en charge le dossier. Ils ont demandé à l’administration locale de faire des propositions. C’est après qu’on a appelé certains élus des régions pour les informer.
Wal Fadjri : Vous dites ‘certains’. Ne feriez-vous pas partie des élus consultés ?
Alpha Koïta : Au niveau de la région de Kolda, il n’y a que le ministre d’Etat-maire Bécaye Diop, et le président du Conseil régional de Kolda, Mamadou Lamine Dramé, qui ont été consultés. Ce sont ces deux personnalités qui ont assisté à la rencontre. Ce sont, en définitive, les propositions de l’administration de base qui sont retenues.
Wal Fadjri : Le découpage a-t-il été pertinent dans votre localité ?
Alpha Koïta : Oui ! Dans le département de Kolda, tout le monde s’accorde sur l’érection, par exemple, de Médina Yoro Foulah en département. Le ministère de l’Intérieur s’est, à mon avis, fondé sur des critères très clairs. Il en est ainsi de la cohésion sociale, de la démographie, de l’économie et de l’accessibilité. Voilà les facteurs qui ont présidé au choix de certains villages en communauté rurale ou en commune.
Wal Fadjri : Et dans l’ex-arrondissement de Dabo, qu’est-ce qui justifie l’érection de votre village, Dialambéré, en communauté rurale ?
Alpha Koïta : Comme Dabo, ex-chef-lieu de communauté rurale, a été érigé en commune, quatre possibilités s’offraient à l’autorité pour trouver la nouvelle communauté rurale : Ngoky, Thiéwa Lao, Thiara et Dialambéré. Malheureusement, aucun de ces villages n’avait une position centrale par rapport aux autres. Le choix était donc difficile. A l’arrivée, ce qui a prévalu, c’est le critère démographique et de cohésion sociale. Là, c’est Dialambéré qui l’emporte en raison du rôle qu’il a joué dans le passé et, entre autres, de ses potentialités, de sa démographie estimée à 1 100 habitants contre 300 à 500 pour ses autres concurrents. Malgré tout, les gens ont lié le choix de Dialambéré à ma position de député.
Wal Fadjri : Malgré tout, les populations déçues ont dit qu’elles allaient se détourner du Pds. Etes-vous parvenu à les ramener au bercail ?
Alpha Koïta : Bien sûr que nous nous sommes compris. Parce que si la question a été agitée, c’est que des politiciens ont voulu en tirer profit. Parmi ceux-là, il y a évidemment des gens de l’opposition et quelques-uns du Pds qui cherchent à se positionner. Et en dépit des déclarations du genre : ‘Alpha n’osera plus mettre les pieds dans les zones de déception’, je me suis bien rendu à Thiéwa Lao où j’ai pu réunir les chefs de village, les femmes, les notables, les imams, les jeunes, etc. On s’est parlé un langage de vérité. Au bout du compte, les populations ont fini par comprendre. Elles ont expliqué que leur ‘volonté’ de se détourner du Pds était juste un chantage. D’autant que ces villages sont enclavés, se trouvent le plus souvent dans des zones de forêt classée et sont dépourvus d’infrastructures comme les postes de santé ou les forages.
Wal Fadjri : Les élections locales sont imminentes et votre parti, le Pds, est encore quasiment inerte.
Alpha Koïta : Si vous ne sentez pas le Pds, c’est qu’il en est de même pour les autres partis. La vérité est que notre formation politique demeure la plus forte de toutes celles qui s’activent dans la région où nous contrôlons neuf des treize communautés rurales. Il est clair que si nous allons aux élections, notre suprématie s’imposera. D’autant que déjà, le Pds est majoritaire dans les conseils ruraux. Nous avons opté pour des rencontres de proximité. Le ministre d’Etat-maire Bécaye Diop le fait. Tout comme le député Amadou Ndiaye Lô, le secrétaire général de l’Ujtl, Fabouly Gaye et moi-même sacrifions régulièrement à ce devoir.
Wal Fadjri : Il reste que le Pds s’est effondré aux dernières législatives. C’est le cas à Médina Yoro Foulah. Cela ne vous inquiète-t-il pas ?
Alpha Koïta : Non pas du tout ! Car, les dernières législatives ne sont pas un baromètre fiable pour mesurer les tendances de l’électorat. Nous sortions de la présidentielle et nombre d’électeurs ne voyaient plus d’enjeux au scrutin. Et puis dans le Médina Yoro Foulah, le président du conseil rural était dans l’opposition. Aujourd’hui, il nous a ralliés. Aux explications du recul de l’électorat, il faut, peut-être, ajouter les querelles internes au Pds. Malgré tout, je vous promets que la victoire du Pds sera sans conteste aux prochaines locales.
Propos recueillis par Hamidou SAGNA
Wal Fadjri