Le Conseil régional de Dakar : un acteur inexistant ?
Si l’on faisait aujourd’hui un sondage auprès de la population dakaroise autour de la seule question suivante : qui est le président de la région de Dakar ? La réponse sera sans faute à 99%, Pape Diop, car on assimile la commune de Dakar à la région de Dakar. Autrement dit, le Conseil régional est inexistant dans le paysage, malgré toutes les prérogatives que lui confère pourtant la loi. En conséquence, personne ne connait son président, qui pourtant, selon le Code des Collectivités locales, représente, parle et prend des décisions en son nom. Certes, cette lisibilité a été étouffée par des querelles politiques ces derniers temps, mais voilà 12 ans qu’elle existe, qu’a t-elle fait réellement ? Qu’est ce qui est vraiment imputable au Conseil régional dans l’univers bouillonnant de Dakar ?
Pourtant, selon l’article 20 du Code des Collectivités locales, « pour les projets ou opérations initiées sur le domaine public maritime et le domaine fluvial par les personnes physiques, les collectivités locales ou toute autre personne morale, il est requis l'autorisation du Conseil régional par délibération », même si cette délibération est soumise à l'approbation du représentant de l'État. Également, il y a lieu de se s’interroger, si Conseil régional de Dakar a été consulté comme le prévoit l’article 21, dans tous les projets ou opérations initiés par l'État ces dernières années sur le domaine public maritime, même si c’est pour la promotion du développement économique et social ? Dans ce même registre, il y a lieu de se demander aussi si la région de Dakar remplie bien la compétence qui lui est dévolue en matière d’aménagement du territoire, comme défini dans l’article 47. Alors pourquoi le Conseil région ne communique pas sur toutes ces dynamiques qui affectent « son territoire » ?
Or, confrontée à une urbanisation fulgurante, plus de 4000hts/km2 et son corolaire, explosion démographique, pauvreté, urbanisation anarchique, problèmes de mobilité et autres contraintes environnementales, la question de l'aménagement urbain qui se pose avec acuité dans la région, le Conseil régional est presque introuvable dans toutes les dispositions prises. Pourquoi ?…
Depuis 1902, date de son institution comme capitale de l'Afrique occidentale française (Aof) et du Sénégal à partir de 1958 transférée de Saint-Louis, d'une petite bourgade, Dakar est devenu une grande métropole cosmopolite et hétéroclite avec une conurbation sur toute l’étendue de la région. Sur une superficie de 550 kilomètres carrés, soit 0,3% de du territoire national, la région Dakar concentre plus du quart de la population sénégalaise, soit environ trois millions de personnes. Face aux multiples défis, se multiplient séminaires, ateliers, colloques et autres rencontres pour soit disant promouvoir une « planification stratégique au service du développement durable ». Mais à y regarder de près, on ne note vraiment aucun acte posé tendant à inverser la tendance du tout béton. Ainsi, parmi les problèmes abyssaux dont la région de Dakar est confrontée il y a, la presque inexistence d’espaces vert sur tout son territoire. Avec l’urbanisation incontrôlée, aucune place n’a été prévue pour des espaces verts. Tout a été construit, on s’attaque à tout, même aux sites inconstructibles. Si l'on doit déloger, on n'a pas même plus où reloger les populations déguerpies et pire, on ne résoudra pas le problème. Le comble du paradoxe, il existe pourtant une Direction des Espaces Verts Urbains (DEVU) dont la raison d’être est de prévoir et de s’occuper de ces dits espaces.
La seule forêt classée qui existait dans la région était celle de Mbao, et elle constituait le seul poumon vert de Dakar. Malheureusement, elle est, aujourd'hui, insignifiante à cause se l'urbanisation galopante. Le seul espace vert véritable encore existant et digne de ce nom, reste le parc zoologique de Hann. Créé en 1903 sur 0,5 ha, ce parc couvrait un moment, une superficie de 10 hectares. Aujourd’hui, il a été réduit en peau de chagrin à cause des agressions faites par des promoteurs immobiliers véreux avec la bénédiction et la complicité des autorités locales et étatiques.
A côté, il « existait » dans la zone périurbaine de Dakar, un écosystème particulier avec tous les atouts pour représenter un véritable poumon vert pour la capitale et ses environs : les Niayes, à la fois zone d’agriculture semi-biologique et réserve d’équilibre biologique. En effet, cet écosystème renfermait une biodiversité exceptionnelle avec plus de 140 espèces d’oiseaux et de reptiles (IRD, 1998). Les Niayes qui s’étendent derrière le cordon dunaire, le long de la côte entre Dakar et Saint-Louis sont alimentées par une nappe phréatique affleurant de 0,5 m à 1m suivant les apports pluviométriques et par des lentilles d’eau douce inter-dunaires permettent des cultures maraîchères tout au long de l’année. Soumises aux attaques anthropiques d’une part les prélèvements effectués par un maraichage intensif et d’autre part, à une forte évaporation, le niveau d’eau a considérablement diminué ces dernières années entrainant du coup l’assèchement presque total de certaines parties. Alors que l’usage de nombreuses pollutions vient diminuer la qualité des eaux douces. Ainsi, cet écosystème que le Président Léopold Sédar Senghor appelait « le poumon vert de Dakar » est aujourd’hui devenu un ensemble urbain recouvert couvert par le béton détruisant nombre d’habitats.
Mais cette destruction n’a pas commencé aujourd’hui. Depuis quelques années on assiste à des attaques sur cet écosystème inestimable pour l’équilibre de la région. En voici une petite chronologie. Le 10 juillet 1998 on balise les limites de la zone protégée associée au parc. Le 2 août 1998, lors de la journée nationale de l’arbre, le Ministre de la pêche, Alassane Daly Ndiaye et le maire d’arrondissement de Hann, Mansour Tambédou, plantaient des arbres dans la zone pour confirmer et conforter cette mise en défend. Mais comble de l’aberration, dans le week-end du 19 au 20 septembre 1998, les bulldozers entrent en action pour raser tout ce qui avait été balisé le 10 juillet, éliminant du coup toute la végétation, les haies vives, les arbres fruitiers et les cultures maraîchères, entre autres, notamment dans la partie Nord-Ouest, riche pour sa biodiversité. Après quelques protestations, le 25 septembre 1998 par Arrêté, le Gouverneur de Dakar, met fin à cette entreprise calamiteuse, mais déjà; la destruction des Niayes avait débuté. En effet, en rasant les arbres et les haies vives, l’équilibre de ce biotope s’est trouvé considérablement perturbé. C’est dans cette dynamique que la Niaye des Maristes sur près de 35 ha (1300 m de long et environ 300 m de large), avait totalement disparu aujourd’hui. Les dernières reliques de cette Niaye ont été complètement balayées lors du terrassement de l’autoroute à péage, actuellement en construction. Auparavant, bien avant l’alternance en 2000, le projet phare du président Diouf qui portait sur la réalisation d’une technopôle dans la grande Niayes de Pikine sur un espace clôturé de plusieurs centaines d’hectares, avait posait les jalons d’une autre destruction, même si ce projet comportait une partie importante d’aménagements d’espaces verts. A ce jour, on attend toujours cette installation boudée par le nouveau régime. Alors où est le Conseil régional dans tout cela ?
Par ailleurs, étant donné l’importance du parc automobile de Dakar par rapport au reste du pays (2/3 du total), la région étouffe. En effet, on peut constater qu’à Dakar, le transport est le principal responsable de la pollution atmosphérique. Cet état de fait a été confirmé par l’étude comparative entre Ouagadougou et Dakar faite dans le cadre du programme CORINAIR qui recense les émissions de polluants atmosphériques dues aux différentes activités économiques. En outre, selon la Direction de l’Environnement, le secteur du transport urbain est responsable de 32% des émissions de CO2 dans la capitale, même si ce dernier n'est pas le seul facteur de production de GES. Alors quel est le plan du Conseil région face à cette situation qui devient de plus en plus intenable ?
Or la loi n°96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales, modifiée par les lois n°2002-15 du 15 avril 2002 et n°2004-21 du 25 août 2004, donne différentes dispositions à la région, collectivité locale, pour assurer une gestion durable de son environnement. Dans cette entreprise, elle peut l’assurer seule ou en association avec d’autres collectivités locales, car « les collectivités locales peuvent librement entretenir entre elles des relations fonctionnelles et de coopération en stricte conformité avec les textes législatifs et règlementaires en vigueur » (article 2). Ce qui permet donc l’inter-agissement pour une gestion commune. Pour faciliter cette initiative, « lorsqu'un groupement de collectivités locales exerce des attributions dans un domaine faisant l'objet d'un transfert de compétences, ce transfert s'opère au profit de cet organisme sur décision de l'organe délibérant » (article 7). En outre, « l’État et les collectivités locales peuvent, en tant que de besoin, s'associer sous forme contractuelle pour la réalisation d'objectifs et de projets d'utilité publique », selon article 15.
En outre, en matière d’environnement et de gestion des ressources naturelles, selon article 28, la région reçoit comme compétences : « la gestion, la protection et l'entretien des forêts, des zones protégées et des sites naturels d'intérêt régional ; la mise en défense et autres mesures locales de protection de la nature ; la création de bois, forêts et zones protégés ; la protection de la faune ». Alors que dans le cadre de la planification, les articles 43 et 44 de la loi de 1996, donne compétence à la région, à l’image des autres niveaux de collectivités locales, l’élaboration de son plan de développement (PRDI). Alors qu’est que le Conseil régional fait dans ce domaine de compétence ? Pourtant des initiatives ne manquent pas.
Par exemple, à l’image du parc floral à Paris ou du parc départemental de la Courneuve, à cheval entre le 95 (Val d’Oise) et le 93 (Saine Saint-Denis) en banlieue parisienne, le Conseil région de Dakar, en association avec les collectivités locales environnantes des départements de Dakar, Pikine et Guédiawaye pourraient s’organiser pour mettre en place un parc régional multifonctionnel. En effet, les articles 2, 3 et 6. du Décret n°2004-1093 du 04 aout 2004 portant création de la Communauté des Agglomérations de Dakar (CADAK), modifié par le décret n° 2005-876 du 3 octobre 2005 entre les villes de Dakar, Guédiawaye et Pikine, conformément aux dispositions des articles 181 et suivants du Code des Collectivités locales, le permettent. En associant l’utile à l’agréable, cette infrastructure pourrait servir aussi bien de site de détente pour les populations environnantes, de pratique sportive, mais aussi servir comme théâtre de verdure pouvant accueillir des manifestations culturelles payantes avec des installations adéquates. Son exploitation, pourrait être confiée à une sorte de syndicat d’initiative ou cédée en exploitation privée, mis en pace dans le cadre du CADAK. Cette réalisation pourra être une belle vitrine pour le Conseil région et une belle forme pour concrétiser l’intercommunalité comme prévue dans l’esprit du Code des collectivités locales et du décret créant la CADAK.
Je sais d’avance que certains vont me rétorquer : belle idée, mais alors où trouver le financement pour la réalisation d’une telle infrastructure ? A mon avis, le problème principal dans la gestion de nos collectivités locales, n’est pas lié à un défaut de moyens financiers, mais plutôt à un manque de vision, un manque d’ambition, d’orientation, à une non-maîtrise des textes et un défaut « d’entreprenariat-ship » des élus. L’argent est bien là, c’est qu’on ne le met pas là il faut. Il est là dans les budgets, mais aussi dans ce genre de projet, différents partenaires pourrait être mobiliser et seraient même tout à fait disposer à participer sa réalisation : UICN, Waterland, PNUE, mais aussi tous les bailleurs qui soutiennent aujourd’hui la décentralisation sénégalaise. Car au-delà de répondre à un problème crucial: l’étouffement de Dakar, une telle installation pourrait générer des ressources financières considérables pour les collectivités locales partenaires. En effet, le retour sur investissement pourrait se faire très rapidement tout en permettant à la capitale de mieux respirer en absorbant une bonne partie de la pollution, de mieux faire face aux inondations, tout en offrant un cadre de vie agréable à sa population.
Dr. Djibril DIOP
Chargé de cours Université de Montréal (Canada)
djibril.diop@umontreal.ca
Si l’on faisait aujourd’hui un sondage auprès de la population dakaroise autour de la seule question suivante : qui est le président de la région de Dakar ? La réponse sera sans faute à 99%, Pape Diop, car on assimile la commune de Dakar à la région de Dakar. Autrement dit, le Conseil régional est inexistant dans le paysage, malgré toutes les prérogatives que lui confère pourtant la loi. En conséquence, personne ne connait son président, qui pourtant, selon le Code des Collectivités locales, représente, parle et prend des décisions en son nom. Certes, cette lisibilité a été étouffée par des querelles politiques ces derniers temps, mais voilà 12 ans qu’elle existe, qu’a t-elle fait réellement ? Qu’est ce qui est vraiment imputable au Conseil régional dans l’univers bouillonnant de Dakar ?
Pourtant, selon l’article 20 du Code des Collectivités locales, « pour les projets ou opérations initiées sur le domaine public maritime et le domaine fluvial par les personnes physiques, les collectivités locales ou toute autre personne morale, il est requis l'autorisation du Conseil régional par délibération », même si cette délibération est soumise à l'approbation du représentant de l'État. Également, il y a lieu de se s’interroger, si Conseil régional de Dakar a été consulté comme le prévoit l’article 21, dans tous les projets ou opérations initiés par l'État ces dernières années sur le domaine public maritime, même si c’est pour la promotion du développement économique et social ? Dans ce même registre, il y a lieu de se demander aussi si la région de Dakar remplie bien la compétence qui lui est dévolue en matière d’aménagement du territoire, comme défini dans l’article 47. Alors pourquoi le Conseil région ne communique pas sur toutes ces dynamiques qui affectent « son territoire » ?
Or, confrontée à une urbanisation fulgurante, plus de 4000hts/km2 et son corolaire, explosion démographique, pauvreté, urbanisation anarchique, problèmes de mobilité et autres contraintes environnementales, la question de l'aménagement urbain qui se pose avec acuité dans la région, le Conseil régional est presque introuvable dans toutes les dispositions prises. Pourquoi ?…
Depuis 1902, date de son institution comme capitale de l'Afrique occidentale française (Aof) et du Sénégal à partir de 1958 transférée de Saint-Louis, d'une petite bourgade, Dakar est devenu une grande métropole cosmopolite et hétéroclite avec une conurbation sur toute l’étendue de la région. Sur une superficie de 550 kilomètres carrés, soit 0,3% de du territoire national, la région Dakar concentre plus du quart de la population sénégalaise, soit environ trois millions de personnes. Face aux multiples défis, se multiplient séminaires, ateliers, colloques et autres rencontres pour soit disant promouvoir une « planification stratégique au service du développement durable ». Mais à y regarder de près, on ne note vraiment aucun acte posé tendant à inverser la tendance du tout béton. Ainsi, parmi les problèmes abyssaux dont la région de Dakar est confrontée il y a, la presque inexistence d’espaces vert sur tout son territoire. Avec l’urbanisation incontrôlée, aucune place n’a été prévue pour des espaces verts. Tout a été construit, on s’attaque à tout, même aux sites inconstructibles. Si l'on doit déloger, on n'a pas même plus où reloger les populations déguerpies et pire, on ne résoudra pas le problème. Le comble du paradoxe, il existe pourtant une Direction des Espaces Verts Urbains (DEVU) dont la raison d’être est de prévoir et de s’occuper de ces dits espaces.
La seule forêt classée qui existait dans la région était celle de Mbao, et elle constituait le seul poumon vert de Dakar. Malheureusement, elle est, aujourd'hui, insignifiante à cause se l'urbanisation galopante. Le seul espace vert véritable encore existant et digne de ce nom, reste le parc zoologique de Hann. Créé en 1903 sur 0,5 ha, ce parc couvrait un moment, une superficie de 10 hectares. Aujourd’hui, il a été réduit en peau de chagrin à cause des agressions faites par des promoteurs immobiliers véreux avec la bénédiction et la complicité des autorités locales et étatiques.
A côté, il « existait » dans la zone périurbaine de Dakar, un écosystème particulier avec tous les atouts pour représenter un véritable poumon vert pour la capitale et ses environs : les Niayes, à la fois zone d’agriculture semi-biologique et réserve d’équilibre biologique. En effet, cet écosystème renfermait une biodiversité exceptionnelle avec plus de 140 espèces d’oiseaux et de reptiles (IRD, 1998). Les Niayes qui s’étendent derrière le cordon dunaire, le long de la côte entre Dakar et Saint-Louis sont alimentées par une nappe phréatique affleurant de 0,5 m à 1m suivant les apports pluviométriques et par des lentilles d’eau douce inter-dunaires permettent des cultures maraîchères tout au long de l’année. Soumises aux attaques anthropiques d’une part les prélèvements effectués par un maraichage intensif et d’autre part, à une forte évaporation, le niveau d’eau a considérablement diminué ces dernières années entrainant du coup l’assèchement presque total de certaines parties. Alors que l’usage de nombreuses pollutions vient diminuer la qualité des eaux douces. Ainsi, cet écosystème que le Président Léopold Sédar Senghor appelait « le poumon vert de Dakar » est aujourd’hui devenu un ensemble urbain recouvert couvert par le béton détruisant nombre d’habitats.
Mais cette destruction n’a pas commencé aujourd’hui. Depuis quelques années on assiste à des attaques sur cet écosystème inestimable pour l’équilibre de la région. En voici une petite chronologie. Le 10 juillet 1998 on balise les limites de la zone protégée associée au parc. Le 2 août 1998, lors de la journée nationale de l’arbre, le Ministre de la pêche, Alassane Daly Ndiaye et le maire d’arrondissement de Hann, Mansour Tambédou, plantaient des arbres dans la zone pour confirmer et conforter cette mise en défend. Mais comble de l’aberration, dans le week-end du 19 au 20 septembre 1998, les bulldozers entrent en action pour raser tout ce qui avait été balisé le 10 juillet, éliminant du coup toute la végétation, les haies vives, les arbres fruitiers et les cultures maraîchères, entre autres, notamment dans la partie Nord-Ouest, riche pour sa biodiversité. Après quelques protestations, le 25 septembre 1998 par Arrêté, le Gouverneur de Dakar, met fin à cette entreprise calamiteuse, mais déjà; la destruction des Niayes avait débuté. En effet, en rasant les arbres et les haies vives, l’équilibre de ce biotope s’est trouvé considérablement perturbé. C’est dans cette dynamique que la Niaye des Maristes sur près de 35 ha (1300 m de long et environ 300 m de large), avait totalement disparu aujourd’hui. Les dernières reliques de cette Niaye ont été complètement balayées lors du terrassement de l’autoroute à péage, actuellement en construction. Auparavant, bien avant l’alternance en 2000, le projet phare du président Diouf qui portait sur la réalisation d’une technopôle dans la grande Niayes de Pikine sur un espace clôturé de plusieurs centaines d’hectares, avait posait les jalons d’une autre destruction, même si ce projet comportait une partie importante d’aménagements d’espaces verts. A ce jour, on attend toujours cette installation boudée par le nouveau régime. Alors où est le Conseil régional dans tout cela ?
Par ailleurs, étant donné l’importance du parc automobile de Dakar par rapport au reste du pays (2/3 du total), la région étouffe. En effet, on peut constater qu’à Dakar, le transport est le principal responsable de la pollution atmosphérique. Cet état de fait a été confirmé par l’étude comparative entre Ouagadougou et Dakar faite dans le cadre du programme CORINAIR qui recense les émissions de polluants atmosphériques dues aux différentes activités économiques. En outre, selon la Direction de l’Environnement, le secteur du transport urbain est responsable de 32% des émissions de CO2 dans la capitale, même si ce dernier n'est pas le seul facteur de production de GES. Alors quel est le plan du Conseil région face à cette situation qui devient de plus en plus intenable ?
Or la loi n°96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales, modifiée par les lois n°2002-15 du 15 avril 2002 et n°2004-21 du 25 août 2004, donne différentes dispositions à la région, collectivité locale, pour assurer une gestion durable de son environnement. Dans cette entreprise, elle peut l’assurer seule ou en association avec d’autres collectivités locales, car « les collectivités locales peuvent librement entretenir entre elles des relations fonctionnelles et de coopération en stricte conformité avec les textes législatifs et règlementaires en vigueur » (article 2). Ce qui permet donc l’inter-agissement pour une gestion commune. Pour faciliter cette initiative, « lorsqu'un groupement de collectivités locales exerce des attributions dans un domaine faisant l'objet d'un transfert de compétences, ce transfert s'opère au profit de cet organisme sur décision de l'organe délibérant » (article 7). En outre, « l’État et les collectivités locales peuvent, en tant que de besoin, s'associer sous forme contractuelle pour la réalisation d'objectifs et de projets d'utilité publique », selon article 15.
En outre, en matière d’environnement et de gestion des ressources naturelles, selon article 28, la région reçoit comme compétences : « la gestion, la protection et l'entretien des forêts, des zones protégées et des sites naturels d'intérêt régional ; la mise en défense et autres mesures locales de protection de la nature ; la création de bois, forêts et zones protégés ; la protection de la faune ». Alors que dans le cadre de la planification, les articles 43 et 44 de la loi de 1996, donne compétence à la région, à l’image des autres niveaux de collectivités locales, l’élaboration de son plan de développement (PRDI). Alors qu’est que le Conseil régional fait dans ce domaine de compétence ? Pourtant des initiatives ne manquent pas.
Par exemple, à l’image du parc floral à Paris ou du parc départemental de la Courneuve, à cheval entre le 95 (Val d’Oise) et le 93 (Saine Saint-Denis) en banlieue parisienne, le Conseil région de Dakar, en association avec les collectivités locales environnantes des départements de Dakar, Pikine et Guédiawaye pourraient s’organiser pour mettre en place un parc régional multifonctionnel. En effet, les articles 2, 3 et 6. du Décret n°2004-1093 du 04 aout 2004 portant création de la Communauté des Agglomérations de Dakar (CADAK), modifié par le décret n° 2005-876 du 3 octobre 2005 entre les villes de Dakar, Guédiawaye et Pikine, conformément aux dispositions des articles 181 et suivants du Code des Collectivités locales, le permettent. En associant l’utile à l’agréable, cette infrastructure pourrait servir aussi bien de site de détente pour les populations environnantes, de pratique sportive, mais aussi servir comme théâtre de verdure pouvant accueillir des manifestations culturelles payantes avec des installations adéquates. Son exploitation, pourrait être confiée à une sorte de syndicat d’initiative ou cédée en exploitation privée, mis en pace dans le cadre du CADAK. Cette réalisation pourra être une belle vitrine pour le Conseil région et une belle forme pour concrétiser l’intercommunalité comme prévue dans l’esprit du Code des collectivités locales et du décret créant la CADAK.
Je sais d’avance que certains vont me rétorquer : belle idée, mais alors où trouver le financement pour la réalisation d’une telle infrastructure ? A mon avis, le problème principal dans la gestion de nos collectivités locales, n’est pas lié à un défaut de moyens financiers, mais plutôt à un manque de vision, un manque d’ambition, d’orientation, à une non-maîtrise des textes et un défaut « d’entreprenariat-ship » des élus. L’argent est bien là, c’est qu’on ne le met pas là il faut. Il est là dans les budgets, mais aussi dans ce genre de projet, différents partenaires pourrait être mobiliser et seraient même tout à fait disposer à participer sa réalisation : UICN, Waterland, PNUE, mais aussi tous les bailleurs qui soutiennent aujourd’hui la décentralisation sénégalaise. Car au-delà de répondre à un problème crucial: l’étouffement de Dakar, une telle installation pourrait générer des ressources financières considérables pour les collectivités locales partenaires. En effet, le retour sur investissement pourrait se faire très rapidement tout en permettant à la capitale de mieux respirer en absorbant une bonne partie de la pollution, de mieux faire face aux inondations, tout en offrant un cadre de vie agréable à sa population.
Dr. Djibril DIOP
Chargé de cours Université de Montréal (Canada)
djibril.diop@umontreal.ca