
En effet, si les nouvelles autorités sénégalaises restent fidèles à leur orientation, notamment en matière de stratégie de développement territoriale, il est nécessaire de repenser le développement du pays en revoyant ce qui a été fait jusque là. Ce Sommet pourrait être une belle occasion de promouvoir un autre Sénégal qui ne se limite pas seulement à Dakar. Car depuis l’indépendance, les différents choix politiques ont plutôt maintenu le cap de la logique coloniale et même renforcés les déséquilibres en favorisant Dakar et les régions côtières adjacentes au détriment du reste du pays.
Or si l’un des objectifs assignés à la décentralisation sénégalaise est de favoriser une meilleure distribution des hommes, des biens et des services sur l’ensemble du territoire national, la réalité met en exergue le contraire, notamment avec la position de Dakar dans le paysage socio-économique du pays. Il suffit simplement de jeter un coup d’œil sur les chiffres pour s’en convaincre.
Dakar, une presqu’île de 550 km2, soit 0,28 % de la superficie du pays, concentre un quart de la population du pays, soit un Sénégalais sur cinq, avec une croissance annuelle de 2,5%. Avec près de 3 millions d’habitants, c’est aussi la région la plus densément peuplée du pays avec + 4000 habitants au km2, contre, seulement, 10 au niveau national. Dakar se particularise également avec son taux élevé d’urbanisation (97,2%), contre 41% au niveau national. Dakar accueille chaque année, entre 80 et 120 000 personnes dans la force de l’âge qui viennent s’ajouter aux demandeurs d’accès des différents services urbains. Avec 54% de la population urbaine du pays, selon les projections démographiques, ce taux passera à 56% à l’horizon 2018. Ainsi, selon le PDU « Dakar Horizon 2025 », la population de la métropole passera à 5 020 021 en 2025 contre 2 471 730 en 2001, soit plus du double en 25 ans.
Enfin, la région de Dakar concentre 55% du produit intérieur brut (PIB) du pays, plus de 50% des artisans, 95% des entreprises industrielles et commerciales, 72,1 % des médecins, 89,2% des pharmaciens et 50,6% des chirurgiens-dentistes, 92% de la valeur ajoutée et 87% des emplois permanents, 46% des fonctionnaires sénégalais, 97% des salariées du commerce et des transports, 96 % des employés de banque, 95% des entreprises industrielles et commerciales. La polarisation croissante de Dakar ne fait qu’accentuer ces déséquilibres. Car plus de 90 % de créations nouvelles de structures économiques se font à Dakar (DPS, 2008). Ce qui exacerbe la pression sur les gestionnaires de la ville.
Cette surconcentration à Dakar est la résultante de mauvais choix de planification et d’aménagement du territoire et ceci bien avant l’indépendance. Ce qui donne ce résultat de macrocéphalie inquiétante par rapport au reste du pays. Certes, Dakar, en tant que capitale et la vitrine du Sénégal, mérite un visage plus luisant que celui qu’on lui connait aujourd’hui. Mais n’y a-t-il pas un autre moyen de promouvoir la capitale nationale sans délaisser le reste du pays ? Après le troisième sommet de la Francophonie en mai 1989, l'accueille en mars 2008 du sommet de la Conférence islamique a été une occasion manquée d'amorce un processus de mutations de ce développement territorial indispensable pour rééquilibrer le rôle de Dakar dans le tissu socioéconomique du pays.
Ainsi, Saint-Louis, ancienne capitale du Sénégal jusqu'en 1958, avec ses hôtels, auberges, son Université et autres infrastructures de taille se présente comme une alternative crédible pour accueillir un tel sommet. Par exemple au Maroc, on a Fez, Casablanca, etc., plusieurs villes qui équilibrent la place de la capitale, Rabat, dans l'échiquier national. Au Sénégal, Dakar reste le seul et vrai centre urbain (aux deux sens du terme) avec toutes les offres de services, du plus simple aux plus complexes. Ce qui encourage les populations des régions périphériques à débarquer à Dakar, car en dehors de Dakar, il n’y a presque rien. Le choix d'une autre capitale régionale pour accueillir ce sommet sera une occasion et une opportunité de concrétiser cette nouvelle orientation tant chantée dernièrement par les autorités actuelles du pays. Pour cela, c'est aujourd'hui que commence le travail, car 2014, c'est déjà demain! J’ose espérer que les mêmes actions ne vont pas conduire aux mêmes effets.
Dr Djibril DIOP
djibril.diop@umontreal.ca
Chargé de cours à l’Université de Montréal (Canada).
Or si l’un des objectifs assignés à la décentralisation sénégalaise est de favoriser une meilleure distribution des hommes, des biens et des services sur l’ensemble du territoire national, la réalité met en exergue le contraire, notamment avec la position de Dakar dans le paysage socio-économique du pays. Il suffit simplement de jeter un coup d’œil sur les chiffres pour s’en convaincre.
Dakar, une presqu’île de 550 km2, soit 0,28 % de la superficie du pays, concentre un quart de la population du pays, soit un Sénégalais sur cinq, avec une croissance annuelle de 2,5%. Avec près de 3 millions d’habitants, c’est aussi la région la plus densément peuplée du pays avec + 4000 habitants au km2, contre, seulement, 10 au niveau national. Dakar se particularise également avec son taux élevé d’urbanisation (97,2%), contre 41% au niveau national. Dakar accueille chaque année, entre 80 et 120 000 personnes dans la force de l’âge qui viennent s’ajouter aux demandeurs d’accès des différents services urbains. Avec 54% de la population urbaine du pays, selon les projections démographiques, ce taux passera à 56% à l’horizon 2018. Ainsi, selon le PDU « Dakar Horizon 2025 », la population de la métropole passera à 5 020 021 en 2025 contre 2 471 730 en 2001, soit plus du double en 25 ans.
Enfin, la région de Dakar concentre 55% du produit intérieur brut (PIB) du pays, plus de 50% des artisans, 95% des entreprises industrielles et commerciales, 72,1 % des médecins, 89,2% des pharmaciens et 50,6% des chirurgiens-dentistes, 92% de la valeur ajoutée et 87% des emplois permanents, 46% des fonctionnaires sénégalais, 97% des salariées du commerce et des transports, 96 % des employés de banque, 95% des entreprises industrielles et commerciales. La polarisation croissante de Dakar ne fait qu’accentuer ces déséquilibres. Car plus de 90 % de créations nouvelles de structures économiques se font à Dakar (DPS, 2008). Ce qui exacerbe la pression sur les gestionnaires de la ville.
Cette surconcentration à Dakar est la résultante de mauvais choix de planification et d’aménagement du territoire et ceci bien avant l’indépendance. Ce qui donne ce résultat de macrocéphalie inquiétante par rapport au reste du pays. Certes, Dakar, en tant que capitale et la vitrine du Sénégal, mérite un visage plus luisant que celui qu’on lui connait aujourd’hui. Mais n’y a-t-il pas un autre moyen de promouvoir la capitale nationale sans délaisser le reste du pays ? Après le troisième sommet de la Francophonie en mai 1989, l'accueille en mars 2008 du sommet de la Conférence islamique a été une occasion manquée d'amorce un processus de mutations de ce développement territorial indispensable pour rééquilibrer le rôle de Dakar dans le tissu socioéconomique du pays.
Ainsi, Saint-Louis, ancienne capitale du Sénégal jusqu'en 1958, avec ses hôtels, auberges, son Université et autres infrastructures de taille se présente comme une alternative crédible pour accueillir un tel sommet. Par exemple au Maroc, on a Fez, Casablanca, etc., plusieurs villes qui équilibrent la place de la capitale, Rabat, dans l'échiquier national. Au Sénégal, Dakar reste le seul et vrai centre urbain (aux deux sens du terme) avec toutes les offres de services, du plus simple aux plus complexes. Ce qui encourage les populations des régions périphériques à débarquer à Dakar, car en dehors de Dakar, il n’y a presque rien. Le choix d'une autre capitale régionale pour accueillir ce sommet sera une occasion et une opportunité de concrétiser cette nouvelle orientation tant chantée dernièrement par les autorités actuelles du pays. Pour cela, c'est aujourd'hui que commence le travail, car 2014, c'est déjà demain! J’ose espérer que les mêmes actions ne vont pas conduire aux mêmes effets.
Dr Djibril DIOP
djibril.diop@umontreal.ca
Chargé de cours à l’Université de Montréal (Canada).