Le Programme des nations unies pour le développement a lancé le mardi dernier, depuis Dakar et Nairobi simultanément, un nouveau rapport régional sur le développement humain, consacré à l’Afrique. Celui-ci montre tout le paradoxe de nombre d’économies émergentes qui n’arrivent toujours pas à garantir durablement à leur population la sécurité alimentaire. Le document suggère plusieurs réformes structurelles à même d’éviter que des cas de famine, comme celle connue à l’heure actuelle dans certains pays, ne se renouvellent à l’avenir.
Le Rapport pour le développement humain, du Programme national des Nations unies pour le développement, compte une nouvelle déclinaison régionale africaine. L’idée est toujours la même : servir de tremplin à la réflexion et à l’innovation en matière de développement. A la différence près que cette dernière mouture met l’accent sur «une sécurité alimentaire durable», et tombe à pic au moment même où plusieurs pays de la bande sahélienne, ainsi que les régions de Diourbel et Matam au Sénégal, sont menacés de famine, comme en 2009, ou comme en 2011 dans la Corne de l’Afrique.
DES FAMINES 50 ANS APRÈS LES INDÉPENDANCES
«En moyenne, 27% de la population souffre de malnutrition, et ça va jusqu’à 2/3 de la population en Erythrée», résumait Mansour Ndiaye, économiste principal au Pnud, domicilié au Niger. Il participait au lancement de cette nouvelle mouture à Dakar. Derrière ces chiffres, la faible productivité de l’agriculture subsaharienne est flagrante. Ainsi de la production céréalière par exemple, où l’écart de rendement avec l’Asie et l’Amérique du sud n’a fait que se creuser depuis les années 60.
C’est le bureau Afrique du Pnud, représenté par son directeur adjoint Babacar Cissé, qui a pris il y a un an l’initiative de ce travail de synthèse régionale, avec l’aide de financements de la Fondation Bill et Melinda Gates. Il se veut la quintessence des meilleurs travaux de recherche universitaire, et des apports des décideurs politiques et des professionnels du développement. «Nous sommes tous interpellés par les famines qui perdurent encore sur le continent africain. Il n’est pas normal que 50 ans après les indépendances une partie des peuples africains souffre de famine», a-t-il dit.
Entre les lignes, la critique de décennies de gouvernance nationale et de pression internationale dans l’accès aux marchés, aux terres et aux engrais, est patente. «Cela concerne aussi bien la subvention des produits sur les marchés occidentaux, que la pression que fait peser la production de biocarburants sur l’accès aux terres, ou la faible part de l’agriculture dans les politiques d’aide au développement public, ainsi que l’impact du changement climatique auquel nous contribuons à la marge et dont nous pâtissons pourtant le plus », détaille Mansour Ndiaye.
DES LEVIERS STRUCTURELS EXISTENT
En un mot, la malnutrition africaine n’est pas une fatalité et a bel et bien des causes structurelles identifiables, sur lesquelles le Pnud invite les gouvernements et les acteurs de la société civile à agir. Un appel du pied reçu cinq sur cinq par l’Exécutif sénégalais qui avait envoyé son nouveau ministre de l’économie et des finances, Amadou Kane, accuser réception. «Au-delà de la collaboration internationale, nous devons trouver des solutions de développement plus durables qui nous sortent d’une double dépendance aux conditions météorologiques et à la volatilité des prix des matières premières sur les marchés internationaux» a indiqué ce dernier, alors que le gouvernement sénégalais, sur le court terme, finance à grand coups de subventions, les prix des aliments.
Le rapport identifie plusieurs enjeux, que les acteurs doivent anticiper. Celui de la population, qui passera en Afrique à 2 milliards d’ici 2050. Elle obligera à une augmentation significative de la production agricole qui ne pourra pas se passer d’investissements – dans des infrastructures ou dans de la recherche en science agricole appliquée au niveau local – à l’instar du Ghana et du Malawi où le retour sur les deniers publics injectés ne s’est pas fait attendre.
Le second volet touche lui à la malnutrition, phénomène plus pernicieux et moins visible que les famines. Elle correspond souvent à une mauvaise alimentation, très pauvre et déséquilibrée, qui se passe de génération en génération et rejoint des questions sociales, l’éducation des femmes notamment. « Lorsque les femmes pourront bénéficier des mêmes intrants que les hommes, les rendements agricoles augmenteront de plus de 20% », indique le rapport.
Pour remédier à ces disparités, le Pnud préconise une «stratégie nutritionnelle multisectorielle». Traduction : augmenter les budgets publics alloués à l’éducation sur la nutrition et la santé dès le plus jeune âge, ou creuser la piste de la biofortification – ou le renforcement de la teneur en nutriments des cultures agricoles.
Idem des chocs en tout genre – conflits, sécheresse, flambée des prix – auxquels l’approvisionnement alimentaire africain reste trop exposé. Là, le Pnud appelle notamment à développer les assurances et la compensation pécuniaire, sur le modèle des assurances sécheresse garanties par le Kenya à ses petits agriculteurs.
Toutes ces recommandations, bien sûr, ne sont pas du seul ressort des volontés nationales. Elles passeront par des négociations pied-à-pied avec la communauté internationale. La première étape de ce chantier de très longue haleine ne sera autre que le prochain Conférence mondiale des Nations unies sur le développement durable, du 20 au 22 juin 2012, à Rio au Brésil.
Le Quotidien
DES FAMINES 50 ANS APRÈS LES INDÉPENDANCES
«En moyenne, 27% de la population souffre de malnutrition, et ça va jusqu’à 2/3 de la population en Erythrée», résumait Mansour Ndiaye, économiste principal au Pnud, domicilié au Niger. Il participait au lancement de cette nouvelle mouture à Dakar. Derrière ces chiffres, la faible productivité de l’agriculture subsaharienne est flagrante. Ainsi de la production céréalière par exemple, où l’écart de rendement avec l’Asie et l’Amérique du sud n’a fait que se creuser depuis les années 60.
C’est le bureau Afrique du Pnud, représenté par son directeur adjoint Babacar Cissé, qui a pris il y a un an l’initiative de ce travail de synthèse régionale, avec l’aide de financements de la Fondation Bill et Melinda Gates. Il se veut la quintessence des meilleurs travaux de recherche universitaire, et des apports des décideurs politiques et des professionnels du développement. «Nous sommes tous interpellés par les famines qui perdurent encore sur le continent africain. Il n’est pas normal que 50 ans après les indépendances une partie des peuples africains souffre de famine», a-t-il dit.
Entre les lignes, la critique de décennies de gouvernance nationale et de pression internationale dans l’accès aux marchés, aux terres et aux engrais, est patente. «Cela concerne aussi bien la subvention des produits sur les marchés occidentaux, que la pression que fait peser la production de biocarburants sur l’accès aux terres, ou la faible part de l’agriculture dans les politiques d’aide au développement public, ainsi que l’impact du changement climatique auquel nous contribuons à la marge et dont nous pâtissons pourtant le plus », détaille Mansour Ndiaye.
DES LEVIERS STRUCTURELS EXISTENT
En un mot, la malnutrition africaine n’est pas une fatalité et a bel et bien des causes structurelles identifiables, sur lesquelles le Pnud invite les gouvernements et les acteurs de la société civile à agir. Un appel du pied reçu cinq sur cinq par l’Exécutif sénégalais qui avait envoyé son nouveau ministre de l’économie et des finances, Amadou Kane, accuser réception. «Au-delà de la collaboration internationale, nous devons trouver des solutions de développement plus durables qui nous sortent d’une double dépendance aux conditions météorologiques et à la volatilité des prix des matières premières sur les marchés internationaux» a indiqué ce dernier, alors que le gouvernement sénégalais, sur le court terme, finance à grand coups de subventions, les prix des aliments.
Le rapport identifie plusieurs enjeux, que les acteurs doivent anticiper. Celui de la population, qui passera en Afrique à 2 milliards d’ici 2050. Elle obligera à une augmentation significative de la production agricole qui ne pourra pas se passer d’investissements – dans des infrastructures ou dans de la recherche en science agricole appliquée au niveau local – à l’instar du Ghana et du Malawi où le retour sur les deniers publics injectés ne s’est pas fait attendre.
Le second volet touche lui à la malnutrition, phénomène plus pernicieux et moins visible que les famines. Elle correspond souvent à une mauvaise alimentation, très pauvre et déséquilibrée, qui se passe de génération en génération et rejoint des questions sociales, l’éducation des femmes notamment. « Lorsque les femmes pourront bénéficier des mêmes intrants que les hommes, les rendements agricoles augmenteront de plus de 20% », indique le rapport.
Pour remédier à ces disparités, le Pnud préconise une «stratégie nutritionnelle multisectorielle». Traduction : augmenter les budgets publics alloués à l’éducation sur la nutrition et la santé dès le plus jeune âge, ou creuser la piste de la biofortification – ou le renforcement de la teneur en nutriments des cultures agricoles.
Idem des chocs en tout genre – conflits, sécheresse, flambée des prix – auxquels l’approvisionnement alimentaire africain reste trop exposé. Là, le Pnud appelle notamment à développer les assurances et la compensation pécuniaire, sur le modèle des assurances sécheresse garanties par le Kenya à ses petits agriculteurs.
Toutes ces recommandations, bien sûr, ne sont pas du seul ressort des volontés nationales. Elles passeront par des négociations pied-à-pied avec la communauté internationale. La première étape de ce chantier de très longue haleine ne sera autre que le prochain Conférence mondiale des Nations unies sur le développement durable, du 20 au 22 juin 2012, à Rio au Brésil.
Le Quotidien