Dès son arrivée à la magistrature suprême en mars 2000, et prenant acte de facto de l’épuisement du modèle de régulation territoriale initié par le régime socialiste depuis plus de 40 ans, le Président Wade a clairement exprimé sa volonté d’inverser cette tendance au profit d’une décentralisation dite de proximité. Car selon lui, la carte administrative du pays laisse encore peser des doutes sur la finalité des entités retenues et surtout le rôle et l’objectif de développement qui leur est confié. Dans le premier projet de provincialisation, il entendait donc par-là, conforter les liens avec le « local » et faire atteindre aux unités territoriales de base une échelle pertinente pour l’action publique. Ce projet d’architecture territoriale et administrative du pays visait à la fois, à substituer « des niveaux de références plus pertinents » à ceux dont l’obsolescence est accusée à ce jour, notamment la Région et donner au « local » cette attache qui fait défaut jusque là, à l’action publique (1).
Mais cette idée a toujours était le soubassement des différentes réformes territoriales depuis l’indépendance (création des régions de Fatick et Kolda en 1984, de Matam en 2002, et récemment en 2008 des régions de Kédougou, Kaffrine et Sédhiou). C’est ainsi qu’est avancé le principe de faire coïncider les circonscriptions administratives territoriales du pays avec des unités fonctionnelles. Par-là aussi on entend garantir la cohésion interne de la Nation, tout en faisant émerger de nouveaux « territoires de développement » et rendre plus efficace la conduite de l’action publique. Le nouveau schéma territorial proposé par le Président en 2002, reposait principalement sur trois principes fondateurs (2). D’un point de vue stratégique, il s’agit d’articuler développement et solidarité avec leurs pendants opérationnels : la redistribution des ressources et la lutte contre la pauvreté ; sur le plan institutionnel, développer la proximité de la gestion entre l’administration et les administrés, enfin adapter de façon différenciée les politiques publiques aux situations locales, tant en termes de contenus que de modalités de leur mise en œuvre. Cette nouvelle approche territoriale rendrait caduques les logiques sectorielles au profit d’une transversalité de l’action publique. Ainsi, les initiatives seraient plus globales et plus décloisonnées.
Pour les initiateurs de ce projet, l’affirmation du local devait occuper la première place dans la conduite de l’action publique. Malgré leur apparence « passéiste », et des risques d’irrédentisme identitaire, le Président Wade a fait appel aux « terroirs » à travers la « province historique » (3). Il entendait supprimer la région, en tant que collectivité locale, et affirmer le département à sa place (4). En effet, l’un des points les plus importants prévus par cette réforme était certainement la disparition de la région collectivité locale et l’érection du département à sa place comme province. Ainsi, le Sénégal allait compter 35 provinces à la place des 30 départements de l’époque ayant le statut de collectivité décentralisée dotée d’une « personne morale de droit public et l’autonomie financière » au même titre que les autres niveaux de collectivités locales du pays. Après une désapprobation des populations vis-à-vis des appellations et des découpages des entités territoriales avancés, le Président Wade a fini par renoncer à son projet.
Lors de la cérémonie d’ouverture du Sommet des régions du monde sur la sécurité alimentaire à Dakar, lundi 18 janvier 2010, le Président Wade est revenu à nouveau sur son projet de provincialisation, mais cette fois-ci sur un autre registre. Il propose la mise sur pied d’une double planification qui devrait permettre de traiter les problèmes de la Nation et des régions. Dans cette optique, il propose la création d’un « ministère de l’Administration du territoire, qui devrait être le chef de l’Exécutif régional ». A la place des gouverneurs on aurait alors des « ministres-résidents et l’avènement d’Assemblées régionales qui se substitueront aux Conseils régionaux ». Ces ministres-résidents travailleront avec un Cabinet composé de délégués régionaux. Car « nous voulons des institutions pas seulement administratives, mais opérationnelles. Avec des populations responsabilisées, prenant en charge leur propre sort ». Dans cette proposition, ce sont les gouverneurs et les conseillers régionaux qui allaient disparaître.
Enfin, voulant aller plus loin dans la décentralisation en cours au Sénégal, le Président Wade est de nouveau revenu pour relancer la réflexion sur son projet provincialisation à l’ouverture officielle des Assises sénégalo-européennes sur la coopération décentralisée le jeudi 04 novembre 2010. Pour cela il annonce la création d’une commission chargée de réfléchir pour déterminer « les contours d’une administration des provinces qui seront créés ». Car la « véritable décentralisation se trouve dans la provincialisation ...Actuellement nous sommes sous administration de type napoléonien avec une administration trop présente ». Ce projet sera axé sur « une véritable attribution de pouvoirs exécutifs aux provinces ». Et « Pourquoi ça ne marche toujours pas. On transfère des compétences administratives sans donner aux collectivités locales les moyens de les appliquer ». Or « une collectivité locale doit avoir des moyens. Une collectivité locale qui ne compte uniquement que sur les subventions de l’Etat n’est pas viable ».
Certes, le niveau global de la croissance d’un pays ne réduit pas nécessairement les disparités régionales ou locales. Il faut faire davantage. Or les régions moins performantes représentent un manque à gagner pour la nation, car leurs ressources, humaines notamment, ne sont pas pleinement exploitées. De plus, l’une des meilleures façons de renforcer la cohésion sociale du pays est d’améliorer la compétitivité des régions (5). Car l’expérience a montré que les politiques de développement régional fondées sur les aides aux entreprises ne sont pas efficaces. Il est plus préférable d’aider les régions elles mêmes à devenir compétitives, en tirant parti des capacités et des atouts locaux et en les améliorant. Ainsi, loin de se limiter à une politique de redistribution, le développement régional doit viser plus la création de richesse et la valorisation des atouts régionaux en misant sur l’enrichissement de ces derniers et du potentiel local pour attirer l’investissement productif et renforcer les initiatives locales sur le terrain. Là où, auparavant, on donnait la priorité aux systèmes nationaux d’innovation, on doit désormais intégrer aussi les systèmes régionaux dans une approche territoriale plus large. Dans cette démarche, on ne doit pas se limiter aux secteurs dits de pointe, mais privilégier l’innovation dans tous les domaines et sphères d’activité : tourisme, artisanat, agro alimentaire etc., qui peuvent engendrer de la richesse au niveau régional et local. Pour cela on est en droit se s’interroger si la régionalisation pratiquée au Sénégal depuis 1996 est-elle efficace pour favoriser le développement du pays, comme le stipule la mission qui est confiée aux collectivités locales ?
Pour favoriser l’innovation régionale, il devient fondamental d’améliorer les infrastructures physiques, l’enseignement, le système de soin, les conditions de création et de développement des petites et moyennes entreprises, le partage et la diffusion des connaissances, et l’accès aux services d’appui et aux intrants (6). Dans cette dynamique, l’existence de services d’appui et de financements et leur qualité sont particulièrement importantes. Que ce soit dans les domaines de la comptabilité, du conseil, du droit, des ressources humaines, du marketing ou de la finance, ces services sont indispensables pour créer un climat favorable aux entreprises dans en région. Or à ce jour, l’importance des services spécialisés pour les petites et moyennes entreprises (PME) est trop mal perçue la le processus de régionalisation au Sénégal. L’existence d’universités (UGB-CUR) ou d’établissements d’enseignement supérieur (ISM, Polytechnique Thiès et autre écoles de commerce), a aussi un rôle capital dans ce contexte. Car ces institutions peuvent aider les entreprises, notamment les PME, à résoudre des problèmes techniques, de gestion ou commerciaux, à trouver de la main d’œuvre qualifiée et à assurer la formation continue pour leur personnel. En outre, les cadres locaux qui facilitent la rencontre entre chefs d’entreprises et sociétés de services et d’appui renforcent les capacités des uns et des autres pour mieux assoir les dynamiques de développement local (7). Pour cela un volontarisme de l’Etat est nécessaire pour appuyer les initiatives set els actions naissantes dans les régions de l’intérieure.
Par ailleurs, plus une région est à même d’attirer et de retenir des actifs qualifiés, des entreprises et des investissements externes, plus elle est compétitive (selon différentes études de l’OCDE). Dans ce cadre, les infrastructures physiques, notamment pour le transport et la communication, comptent beaucoup. Il en va de même de la capacité des régions à planifier leur action et à la mettre en application comme de la participation de la société civile et du secteur privé au développement des atouts régionaux et à la définition des priorités ; et de l’élaboration de mécanismes de coopération entre autorités nationales et locales. Ainsi, il est important de mettre en place les moyens d’une bonne gouvernance à l’échelon régional tout en permettant une planification fondée (double planification proposée par le Président Wade doit être une réalité dans ce sens) sur des régions économiques et non sur des régions administratives. (Alors faut-il alors revenir la création de régions homogènes avec la fusion ou la diffusion d’entités régionales actuelles en fonction du potentiel économique des différentes zones du territoire national ?). Pour ce faire les régions ont besoin de personnel qualifié pour évaluer les projets, fixer les priorités, forger des alliances et apprendre à bien négocier et communiquer (par exemple dans le cadre de la coopération décentralisée). Ces actions devront être encadrées par les différentes stratégies régionales de développement économique conçus par les forums régionaux, garantissant une bonne articulation entre les initiatives nationales et régionales.
Il est aussi important d’aider les régions à tisser des liens avec celles des États voisins. Cette coopération transfrontalière est déjà bien établie entre certaines régions périphériques et les pays limitrophes (Kédougou, Tambacounda, Ziguinchor, notamment avec les régions limitrophes du Mali, de la Guinée et la Guinée Bissao). Elle fournit un excellent cadre dans les secteurs économiques et des services, comme les soins hospitaliers, la logistique, l’alimentaire et les technologies de l’information. Les régions devraient être encouragées à envisager les opportunités transfrontalières qui ont un sens économique en renforçant leur offre de services. Par ailleurs, développer des régions vigoureuses et innovantes dans tout le Sénégal oblige aussi les autorités nationales à faire en sorte qu’elles contribuent à l’action publique nationale et qu’il existe une coordination appropriée entre les multiples administrations et organismes nationaux qui traitent avec les régions (une harmonisation de l’action publique des différents démembrements de l’Etat notamment).
Cette nouvelle réforme proposée par le Président Wade entraînera très certainement des changements en profondeur dans la régulation territoriale locale et nationale. Mais, au-delà des conséquences socioculturelles et ses implications financières, elle engendrera de nouveaux enjeux et défis pour l’action publique. Enfin, comme on a pu le constate à travers ce texte, ce nouveau projet diffère nettement des deux premiers projets, attendons de voir plus claire pour analyser réellement la portée d’une telle initiative de reterritorialisation de l’action publique. Il est incontestable que la décentralisation en cours actuellement au Sénégal est plus une « décentralisation administrative » qu’une « décentralisation de développement » (8).
Dr Djibril DIOP
Université de Montréal
djibril.diop@umontreal.ca
(1) Voir Djibril Diop, Décentralisation et gouvernance locale au Sénégal. Quelle pertinence pour le développement local ?, Paris, L’Harmattan, 2006, 267 p.
(2) Thiéo Cissé Doucouré, ex-Ministre de la Décentralisation, 2002.
(3) C’est-à-dire les découpages précoloniaux.
(4) A son arrivée il voulait supprimer les régions, mais il est revenu sur cette idée après une rencontre avec les président de régions.
(5) Angel Gurría, Secrétaire général de l'OCDE devant le Conseil danois de la croissance, Copenhague le 22 janvier 2007.
(6) L’initiative spéciale indépendance entamée en 2000 à Thiès avec des investissements conséquence et qui devait se poursuivre dans les autres régions pouvait être une bonne porte d’entrée, malheureusement vite abandonnée.
(7) C’est dans cet esprit que Jacques Attali président de PlaNet Finance a abordé son intervention lors du colloque international sur « investissement et développement d’une métropole régionale », organisé au Cap-Skiring dans le cadre du festival de Ziguinchor « Zig’Fest » en avril 2010.
(8) A ce sujet voir Djibril Diop, Les Régions à l’épreuve de la Régionalisation au Sénégal : État des lieux et perspectives, sortie prévue au printemps 2011.
Mais cette idée a toujours était le soubassement des différentes réformes territoriales depuis l’indépendance (création des régions de Fatick et Kolda en 1984, de Matam en 2002, et récemment en 2008 des régions de Kédougou, Kaffrine et Sédhiou). C’est ainsi qu’est avancé le principe de faire coïncider les circonscriptions administratives territoriales du pays avec des unités fonctionnelles. Par-là aussi on entend garantir la cohésion interne de la Nation, tout en faisant émerger de nouveaux « territoires de développement » et rendre plus efficace la conduite de l’action publique. Le nouveau schéma territorial proposé par le Président en 2002, reposait principalement sur trois principes fondateurs (2). D’un point de vue stratégique, il s’agit d’articuler développement et solidarité avec leurs pendants opérationnels : la redistribution des ressources et la lutte contre la pauvreté ; sur le plan institutionnel, développer la proximité de la gestion entre l’administration et les administrés, enfin adapter de façon différenciée les politiques publiques aux situations locales, tant en termes de contenus que de modalités de leur mise en œuvre. Cette nouvelle approche territoriale rendrait caduques les logiques sectorielles au profit d’une transversalité de l’action publique. Ainsi, les initiatives seraient plus globales et plus décloisonnées.
Pour les initiateurs de ce projet, l’affirmation du local devait occuper la première place dans la conduite de l’action publique. Malgré leur apparence « passéiste », et des risques d’irrédentisme identitaire, le Président Wade a fait appel aux « terroirs » à travers la « province historique » (3). Il entendait supprimer la région, en tant que collectivité locale, et affirmer le département à sa place (4). En effet, l’un des points les plus importants prévus par cette réforme était certainement la disparition de la région collectivité locale et l’érection du département à sa place comme province. Ainsi, le Sénégal allait compter 35 provinces à la place des 30 départements de l’époque ayant le statut de collectivité décentralisée dotée d’une « personne morale de droit public et l’autonomie financière » au même titre que les autres niveaux de collectivités locales du pays. Après une désapprobation des populations vis-à-vis des appellations et des découpages des entités territoriales avancés, le Président Wade a fini par renoncer à son projet.
Lors de la cérémonie d’ouverture du Sommet des régions du monde sur la sécurité alimentaire à Dakar, lundi 18 janvier 2010, le Président Wade est revenu à nouveau sur son projet de provincialisation, mais cette fois-ci sur un autre registre. Il propose la mise sur pied d’une double planification qui devrait permettre de traiter les problèmes de la Nation et des régions. Dans cette optique, il propose la création d’un « ministère de l’Administration du territoire, qui devrait être le chef de l’Exécutif régional ». A la place des gouverneurs on aurait alors des « ministres-résidents et l’avènement d’Assemblées régionales qui se substitueront aux Conseils régionaux ». Ces ministres-résidents travailleront avec un Cabinet composé de délégués régionaux. Car « nous voulons des institutions pas seulement administratives, mais opérationnelles. Avec des populations responsabilisées, prenant en charge leur propre sort ». Dans cette proposition, ce sont les gouverneurs et les conseillers régionaux qui allaient disparaître.
Enfin, voulant aller plus loin dans la décentralisation en cours au Sénégal, le Président Wade est de nouveau revenu pour relancer la réflexion sur son projet provincialisation à l’ouverture officielle des Assises sénégalo-européennes sur la coopération décentralisée le jeudi 04 novembre 2010. Pour cela il annonce la création d’une commission chargée de réfléchir pour déterminer « les contours d’une administration des provinces qui seront créés ». Car la « véritable décentralisation se trouve dans la provincialisation ...Actuellement nous sommes sous administration de type napoléonien avec une administration trop présente ». Ce projet sera axé sur « une véritable attribution de pouvoirs exécutifs aux provinces ». Et « Pourquoi ça ne marche toujours pas. On transfère des compétences administratives sans donner aux collectivités locales les moyens de les appliquer ». Or « une collectivité locale doit avoir des moyens. Une collectivité locale qui ne compte uniquement que sur les subventions de l’Etat n’est pas viable ».
Certes, le niveau global de la croissance d’un pays ne réduit pas nécessairement les disparités régionales ou locales. Il faut faire davantage. Or les régions moins performantes représentent un manque à gagner pour la nation, car leurs ressources, humaines notamment, ne sont pas pleinement exploitées. De plus, l’une des meilleures façons de renforcer la cohésion sociale du pays est d’améliorer la compétitivité des régions (5). Car l’expérience a montré que les politiques de développement régional fondées sur les aides aux entreprises ne sont pas efficaces. Il est plus préférable d’aider les régions elles mêmes à devenir compétitives, en tirant parti des capacités et des atouts locaux et en les améliorant. Ainsi, loin de se limiter à une politique de redistribution, le développement régional doit viser plus la création de richesse et la valorisation des atouts régionaux en misant sur l’enrichissement de ces derniers et du potentiel local pour attirer l’investissement productif et renforcer les initiatives locales sur le terrain. Là où, auparavant, on donnait la priorité aux systèmes nationaux d’innovation, on doit désormais intégrer aussi les systèmes régionaux dans une approche territoriale plus large. Dans cette démarche, on ne doit pas se limiter aux secteurs dits de pointe, mais privilégier l’innovation dans tous les domaines et sphères d’activité : tourisme, artisanat, agro alimentaire etc., qui peuvent engendrer de la richesse au niveau régional et local. Pour cela on est en droit se s’interroger si la régionalisation pratiquée au Sénégal depuis 1996 est-elle efficace pour favoriser le développement du pays, comme le stipule la mission qui est confiée aux collectivités locales ?
Pour favoriser l’innovation régionale, il devient fondamental d’améliorer les infrastructures physiques, l’enseignement, le système de soin, les conditions de création et de développement des petites et moyennes entreprises, le partage et la diffusion des connaissances, et l’accès aux services d’appui et aux intrants (6). Dans cette dynamique, l’existence de services d’appui et de financements et leur qualité sont particulièrement importantes. Que ce soit dans les domaines de la comptabilité, du conseil, du droit, des ressources humaines, du marketing ou de la finance, ces services sont indispensables pour créer un climat favorable aux entreprises dans en région. Or à ce jour, l’importance des services spécialisés pour les petites et moyennes entreprises (PME) est trop mal perçue la le processus de régionalisation au Sénégal. L’existence d’universités (UGB-CUR) ou d’établissements d’enseignement supérieur (ISM, Polytechnique Thiès et autre écoles de commerce), a aussi un rôle capital dans ce contexte. Car ces institutions peuvent aider les entreprises, notamment les PME, à résoudre des problèmes techniques, de gestion ou commerciaux, à trouver de la main d’œuvre qualifiée et à assurer la formation continue pour leur personnel. En outre, les cadres locaux qui facilitent la rencontre entre chefs d’entreprises et sociétés de services et d’appui renforcent les capacités des uns et des autres pour mieux assoir les dynamiques de développement local (7). Pour cela un volontarisme de l’Etat est nécessaire pour appuyer les initiatives set els actions naissantes dans les régions de l’intérieure.
Par ailleurs, plus une région est à même d’attirer et de retenir des actifs qualifiés, des entreprises et des investissements externes, plus elle est compétitive (selon différentes études de l’OCDE). Dans ce cadre, les infrastructures physiques, notamment pour le transport et la communication, comptent beaucoup. Il en va de même de la capacité des régions à planifier leur action et à la mettre en application comme de la participation de la société civile et du secteur privé au développement des atouts régionaux et à la définition des priorités ; et de l’élaboration de mécanismes de coopération entre autorités nationales et locales. Ainsi, il est important de mettre en place les moyens d’une bonne gouvernance à l’échelon régional tout en permettant une planification fondée (double planification proposée par le Président Wade doit être une réalité dans ce sens) sur des régions économiques et non sur des régions administratives. (Alors faut-il alors revenir la création de régions homogènes avec la fusion ou la diffusion d’entités régionales actuelles en fonction du potentiel économique des différentes zones du territoire national ?). Pour ce faire les régions ont besoin de personnel qualifié pour évaluer les projets, fixer les priorités, forger des alliances et apprendre à bien négocier et communiquer (par exemple dans le cadre de la coopération décentralisée). Ces actions devront être encadrées par les différentes stratégies régionales de développement économique conçus par les forums régionaux, garantissant une bonne articulation entre les initiatives nationales et régionales.
Il est aussi important d’aider les régions à tisser des liens avec celles des États voisins. Cette coopération transfrontalière est déjà bien établie entre certaines régions périphériques et les pays limitrophes (Kédougou, Tambacounda, Ziguinchor, notamment avec les régions limitrophes du Mali, de la Guinée et la Guinée Bissao). Elle fournit un excellent cadre dans les secteurs économiques et des services, comme les soins hospitaliers, la logistique, l’alimentaire et les technologies de l’information. Les régions devraient être encouragées à envisager les opportunités transfrontalières qui ont un sens économique en renforçant leur offre de services. Par ailleurs, développer des régions vigoureuses et innovantes dans tout le Sénégal oblige aussi les autorités nationales à faire en sorte qu’elles contribuent à l’action publique nationale et qu’il existe une coordination appropriée entre les multiples administrations et organismes nationaux qui traitent avec les régions (une harmonisation de l’action publique des différents démembrements de l’Etat notamment).
Cette nouvelle réforme proposée par le Président Wade entraînera très certainement des changements en profondeur dans la régulation territoriale locale et nationale. Mais, au-delà des conséquences socioculturelles et ses implications financières, elle engendrera de nouveaux enjeux et défis pour l’action publique. Enfin, comme on a pu le constate à travers ce texte, ce nouveau projet diffère nettement des deux premiers projets, attendons de voir plus claire pour analyser réellement la portée d’une telle initiative de reterritorialisation de l’action publique. Il est incontestable que la décentralisation en cours actuellement au Sénégal est plus une « décentralisation administrative » qu’une « décentralisation de développement » (8).
Dr Djibril DIOP
Université de Montréal
djibril.diop@umontreal.ca
(1) Voir Djibril Diop, Décentralisation et gouvernance locale au Sénégal. Quelle pertinence pour le développement local ?, Paris, L’Harmattan, 2006, 267 p.
(2) Thiéo Cissé Doucouré, ex-Ministre de la Décentralisation, 2002.
(3) C’est-à-dire les découpages précoloniaux.
(4) A son arrivée il voulait supprimer les régions, mais il est revenu sur cette idée après une rencontre avec les président de régions.
(5) Angel Gurría, Secrétaire général de l'OCDE devant le Conseil danois de la croissance, Copenhague le 22 janvier 2007.
(6) L’initiative spéciale indépendance entamée en 2000 à Thiès avec des investissements conséquence et qui devait se poursuivre dans les autres régions pouvait être une bonne porte d’entrée, malheureusement vite abandonnée.
(7) C’est dans cet esprit que Jacques Attali président de PlaNet Finance a abordé son intervention lors du colloque international sur « investissement et développement d’une métropole régionale », organisé au Cap-Skiring dans le cadre du festival de Ziguinchor « Zig’Fest » en avril 2010.
(8) A ce sujet voir Djibril Diop, Les Régions à l’épreuve de la Régionalisation au Sénégal : État des lieux et perspectives, sortie prévue au printemps 2011.