CREDIT A...Thierno Seydou Niane, directeur de la Cellule de suivi de la lutte contre la pauvreté «Le Sénégal est bien parti pour réaliser les Omd»

Accroché à Accra, au Ghana, où il dirigeait la délégation sénégalaise au Forum international de Haut niveau sur l’Efficacité de l’Aide, le haut fonctionnaire du ministère de l’Economie et des Finances, dévoile ici les lignes directrices de l’Etat pour atteindre les objectifs du Millénaire, et indique ce que le Sénégal attend de ses partenaires au développement.



CREDIT A...Thierno Seydou Niane, directeur de la Cellule de suivi de la lutte contre la pauvreté «Le Sénégal est bien parti pour réaliser les Omd»
A partir de quoi, au Sénégal pourrait-on parler de réussite du Forum d’Accra ?
Au Sénégal, nous avons une vision très claire de ce que nous voulons. Cette vision est partagée avec l’ensemble des partenaires au développement et d’autres segments de la nation, et si nous mettons en œuvre notre plan d’action, nous pourrons aller vers la réalisation de tous nos principes de la déclaration de Paris, qui ne comporte que des avantages pour nous. Ces avantages, c’est d’abord, que nous ne percevions plus cette aide comme une assistance, mais comme aide au développement, nous permettant d’aller vers la réalisation de nos objectifs. Or, cela suppose que nous ayons une vision. Et cette vision est là. A travers le Drsp, nous savons ce que nous voulons faire. Maintenant, nous disons que pour la réalisation de ces objectifs, il faut aussi changer la manière dont l’aide est dispensée dans nos pays. Ça ne peut plus être sous forme de projets, parce qu’on a vu tous les défauts du système. C’est assez lourd, ensuite, beaucoup trop de conditionnalités. Troisièmement, des difficultés pour absorber des ressources. Bref, ce n’est pas notre préférence. Nous voulons aller vers l’appui budgétaire, qui permet une mobilisation très rapide, et une utilisation très rapide des ressources liées à la réalisations des objectifs, puisque cela passe par le budget de l’Etat. Cela suppose aussi que nous ayons des processus budgétaires très rapides. C’est tout le sens des réformes que nous avons engagées au Sénégal, dans les finances publiques, pour aller dans le sens de la crédibilisation de tout le processus.
Mais cela suppose aussi, qu’on puisse rendre compte de ce qu’on est en train de faire, pour savoir si ça marche ou pas. Donc, au Sénégal, l’innovation était de mettre en place ce qu’on appelle l’Arrangement cadre de l’appui budgétaire (Acab), qui est un protocole d’accord signé entre le gouvernement et les partenaires au développement, et qui en fait, souligne les engagements réciproques. L’Acab est accompagné par une matrice de résultats. Il n’y a plus de conditionnalité mais, on est tenu par des résultats. Et chaque année, on fait une revue. A l’image de la revue du Drsp qu’on vient de faire, pour voir si les résultats sont atteints. C’est sur cette base qu’on va apprécier si nous allons beaucoup plus vite vers l’appui budgétaire.
L’appui budgétaire est assez faible au Sénégal. Car certains partenaires, notamment la Commission européenne, dénoncent la faible implication du Parlement dans l’exécution du budget. Le Sénégal a-t-il des mécanismes pour améliorer l’exécution du budget ?
Je viens de vous signaler de la mise en œuvre de l’Acab. D’ailleurs, depuis qu’on l’a mis en place, on a senti une amélioration.
Depuis quand ?
L’Acab a été signé au début de l’année. Donc, au mois de janvier, février 2008. C’est la première année de mise en œuvre de l’Acab. Nous allons faire la revue, probablement au mois d’octobre. On va voir ce qui a marché, ce qui n’a pas marché et ce qu’il y a lieu d’améliorer. Nous sommes dans un processus nouveau, qui tient compte des insuffisances du passé, qui sont multiformes. Je pense que c’est un ensemble de constats qu’il nous faut prendre en compte, parce notre souhait est d’aller dans le sens d’augmenter l’appui budgétaire. On ne peut pas le faire si le processus n’est pas crédibilisé, si tous les acteurs ne participent pas à l’élaboration de la stratégie. Je pense que ces préalables sont réglés au Sénégal, parce que nous avons une stratégie impliquant tout le monde, et qui est le Drsp. Deuxièmement, nous avons un budget qui est orienté de plus en plus vers les résultats. C’est ce qui explique la mise en place du Cadre des dépenses à moyen terme (Cdmt), qui participe de ces réformes. Et troisièmement, il y a les résultats qui sont discutés et validés par tout le monde. On vient de connaître la première revue de Drsp, cette année. Les résultats que nous avons présentés sont incontestables et incontestés, parce que tout le monde a participé et a constaté que c’est cela la situation du pays.
Parlant un peu de la mise en œuvre du Drsp. On se rend compte que, bien qu’étant le document politique de l’Etat, certaines initiatives ne rentrent pas dans le cadre de sa mise en application. Ce qui fait que d’aucuns craignent que sur bien de points, comme sur l’assainissement, le Sénégal ne connaisse des retards dans l’atteinte des Omd.
Aujourd’hui, si le Drsp a omis certains secteurs, ce n’est certainement pas l’assainissement. Tous les Omd (Objectifs du millénaire pour le développement : Ndlr) de manière générale, se retrouvent dans le Drsp. Et même, ils sont en priorité dans le Drsp. Parce que le Sénégal a réussi là aussi, une autre prouesse, contrairement aux autres pays qui ne font que suivre les Omd. Nous avons intégré les Omd dans une vision globale. L’autre avantage, c’est que l’Etat n’attend pas la mobilisation des ressources extérieures pour aller dans le sens de l’atteinte des Omd. Aujourd’hui, pratiquement, en dehors de deux secteurs, toutes les analyses convergent pour dire que le Sénégal est très bien placé pour atteindre la plupart, sinon la totalité des Omd. Nous avons, cependant, encore deux soucis. L’assainissement n’en fait pas partie, et on est bien partis pour atteindre les Omd dans ce secteur. Nous avons des problèmes en termes d’éducation, avec pour indicateur, le taux d’achèvement. Une nouvelle politique est orientée dans ce sens, pour permettre de combler le retard et satisfaire cet indicateur. Nous avons un autre problème, en termes de taux de mortalité maternel et infanto-juvénile. Là, il nous faut rattraper cela. Nous avons arrêté une feuille de route pour nous permettre de réaliser ces objectifs. Pour tout le reste, nous sommes très bien placés pour atteindre les Omd et des fois même, avant la date fixée par la communauté internationale. C’est le cas de l’accès à l’eau potable.
Pour en revenir au forum d’Accra sur l’Efficacité de l’Aide, il y a ce problème d’harmonisation qui se pose au niveau des stratégies des donateurs. Est-ce qu’on peut pas dire quelque part, que des pays comme le Sénégal préfèreraient jouer les donateurs les uns contre les autres ?
Nous, on ne peut pas raisonner en ces termes. Pour l’essentiel des questions qui sont posées, je pense qu’il faut voir cela comme étant une nouvelle démarche initiée par les pays africains, et d’une manière générale, les pays bénéficiaires. Parce qu’aussi, les données ont changé au plan mondial. Aujourd’hui, la forme même de l’aide a changé. Mais le gros problème demeure. Le volume n’a pas totalement augmenté, même si la forme a changé. Si nous interrogeons les statistiques, nous voyons que jusqu’à présent, les pays donateurs, qui ont dit que l’aide devait atteindre les 0,7% de leur Pib, ont du mal à respecter leurs propres engagements. Certains le font. D’autres ne le font pas. Le volume n’a pas tellement augmenté, et cela pose un autre problème. Aujourd’hui, nous avons besoin de plus de financement. Au delà du volume, c’est la forme de mobilisation de cette aide, qui pose problème. Parce que jusqu’à présent, la manière dont nous mobilisons cette aide, fait que nous n’arrivons pas à en bénéficier correctement. Tellement les procédures sont compliquées, les conditionnalités sont difficiles. Il faut remettre tout cela à plat. C’est pourquoi, nous disons que le problème n’est pas aussi compliqué. La meilleure façon de nous aider, c’est de nous aider efficacement. Aujourd’hui, ce que nous voulons, c’est comment faire, bien, vite et mieux pour nous permettre d’atteindre nos objectifs. Et nous disons que cela passe nécessairement par des préalables.
Vous les avez listés ?
Ces préalables, c’est d’abord qu’on harmonise quoi ? Qu’on s’aligne sur quoi ? Ces priorités sont arrêtées par le bénéficiaire lui-même. C’est un grand changement. Avant, on pouvait nous l’imposer. Ce n’est plus le cas. Nous réfléchissons et nous donnons notre orientation stratégique. Et nous sommes en train de mettre en place un mécanisme pour que le contrôle puisse être opéré efficacement. Et qu’on puisse juger sur des résultats probants. C’est nous-mêmes qui avons mis en place un mécanisme de monitoring, même s’il est partagé.
Pour nous aider, il faut faire de l’appui budgétaire, point barre. Pour le reste, on contrôle, on évalue. Pour nous, c’est la manière la plus simple, la plus efficace, la plus opérationnelle pour nous permettre d’atteindre les Omd.
Des nouveaux acteurs rentrent parmi les donateurs. On voit que certains de ces nouveaux acteurs ne sont pas partie prenante à la déclaration de Paris. Est-ce que cela ne va-t-il pas remettre en question les résultats obtenus à Accra ?
Non. Les nouveaux pays émergents, qui initient la coopération, notamment en Afrique, viennent avec des moyens qu’ils mettent à notre disposition, avec moins de complications. Ils sont plus efficaces, plus opérationnels, très rapides, et posent moins de problèmes. Et nous, nous sommes preneurs. Nous comprenons qu’il faut trouver le consensus nécessaire, pour que tout cela se fasse de concert avec l’ensemble de la communauté internationale. Il n’en reste pas moins que, pour nous, l’essentiel est que l’aide nous parvienne dans d’excellentes conditions. L’efficacité, c’est aussi de ne pas nous enfermer dans des conditions telles que l’on ne puisse pas profiter de l’aide. Mais je crois que ces questions ont été résolues en amont, et après Accra, nous irons dans le sens de l’opérationnalisation de tous ces grands principes dont nous avons parlé depuis des années.

Propos recueillis par Mohamed GUEYE

Le Quotidien

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